Personnes Transgenres, Transsexuel-le-s et Intersexuées : une santé sexuelle et mentale fragilisée par un parcours de vie souvent plus que chaotique
15 Février 2014
Rédigé par caphi et publié depuis
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[France] Une personne trans’ sur trois renonce à des soins à cause des préjugés du personnel soignantL’association lyonnaiseChrysalidepublie un pré-rapport où elle analyse les résultats de l’enquête Santé Trans 2011, menée du 1er décembre 2010 au 30 octobre 2011 auprès de 187 personnes. Rapports avec le personnel soignant, discriminations médicales, vie sexuelle: de nombreuses thématiques étaient abordées dans les 21 questions.Sophie Berthier, membre de Chrysalide, analyse les réponses pour Yagg (25 novembre 2011)> LIRE
Personnes Transgenres, Transsexuel-le-s et Intersexuées : une santé sexuelle et mentale fragilisée par un parcours de vie souvent plus que chaotique Certains membres de la mouvance LGBTI souffrent de difficultés additionnelles et particulières qui peuvent rendre leur vie extrêmement difficile. Je pense aux personnes transsexuelles, transgenres et intersexuées. (par Marie-Noëlle Baechler en réponse à l’article « Santé mentale et LGBT » sur le site www.thewarning.info, 26 avril 2006)
Ces dernières voient encore beaucoup trop souvent leurs sentiments totalement niés par leur entourage et ceci dès la petite enfance. En conséquence, nombre d’entre elles ont une image extrêmement noire et dévalorisée d’elles-mêmes, aucune confiance en elle et aucune sécurité affective. Cela entrave notablement leur vie affective et leur vie quotidienne.
Dans son ouvrage (Trues Selves), Mildred Brown indique que malgré le manque de statistiques, elle estime le taux de suicide des adolescent-e-s transsexuel-le-s encore beaucoup plus élevé que ceux des adolescents gays ou des adolescentes lesbiennes et je crains qu’elle n’ait raison (et que cette estimation ne vaille également pour les ados transgenres et intersexué-e-s).
Encore beaucoup trop souvent, les personnes transsexuelles et transgenres se retrouvent face à un establishment médical pour le moins hostile, quand il n’est pas totalement fermé au moment où elles entreprennent leur transition.
Que des personnes qui n’arrivent pas à trouver des "trucs" pour quand même arriver à faire leur chemin soient totalementdésespérées et finissent par se suicider n’est donc pas étonnant.
Quant aux autres, nombre d’entre elles doivent faire face à des psychiatres foncièrement homophobes et transphobes qui, au lieu d’être leurs alliés leur enfoncent encore un peu plus la tête sous l’eau et les traitent de la manière la plus méprisante et la plus irrespectueuse qui soit.
Dans de telles circonstances il n’est pas étonnant qu’il leur faille de nombreuses années pour se remettre du "traitement" psychiatrique qu’elles ont dû subir pour pouvoir bénéficier de leur intervention. Elles acquièrent également une méfiance viscérale face aux psychiatres, psychologues et autres professionnels de la relation d’aide alors même que les maltraitances qu’elles subissent depuis l’enfance et qui se prolongent jusqu’à leur transition peuvent les rendre très fragiles.
De leur côté, nombre de personnes intersexuées doivent faire face à des opérations chirurgicales totalement arbitraires qui leurs sont imposées durant la petite enfance, niant totalement leur propre identité sexuelle et pouvant avoir des séquelles qui durent pendant des années. Elles doivent faire face, encore bien trop souvent, au déni total de leurs sentiments et de leur révolte de la part de leurs familles et leurs proches qui leur cachent la vérité. Quand elles la découvrent enfin, il arrive très fréquemment que le sentiment d’avoir été trahi par leur famille (et l’incapacité de cette dernière d’admettre les faits) soit tel qu’il engendre une rupture totale. Elles se retrouvent seules pour faire face à leurs histoires et aussi à des interventions souvent lourdes pour réparer ce qui peut encore l’être des mutilations qu’elles ont subies enfant.
Un certain nombre d’entre elles ont, entre autres, perdu toute capacité de ressentir du plaisir sexuel. Nombre d’entre elles ont également une identité sexuelle "intersexuée", "intergenres", "androgyne" et, là encore, elles se retrouvent totalement seules pour l’explorer, la découvrir et l’assumer. Et ce ne sont surtout pas les professionnels de la relation d’aide qui sont prêts à les comprendre et à les aider !
Dans les sociétés occidentales, l’excision et l’infibulation sont, heureusement, des crimes quand elles sont pratiquées par de simples particuliers. Mais bien peu de personnes savent que ces mêmes traitements sont infligés à des nouveaux nés, pour la simple raison que ces derniers sont nés, par exemple, avec un clitoris trop grand qui sort des normes et que cela dérange des médecins normalisateurs et homopobes. Bien sûr, tout cela est fait au nom du "bien de l’enfant". Quand il est question de maltraitance, elle est toujours commise au nom du bien de l’enfant.
Pour finir, il existe des pistes pour lutter contre ces oppressions. Des groupes de soutien de personnes transsexuelles, transgenres et intersexuées nettement plus combatifs que les premiers sont en train de faire leur apparition. Ces groupes sont animés par des personnes qui ont réussi leur carrière, qui ont trouvé la paix intérieure et qui ont réussi à faire un chemin qui leur donne la capacité d’aider les autres personnes qui se retrouvent dans des dynamiques et des situations proches des leurs.
Certains groupes de soutien de personnes transsexuelles organisent des filières qui permettent d’éviter plus ou moins complètement les psychiatres traditionnels. Cela impose aux personnes de payer leurs interventions par elles-mêmes, mais cela leur permet aussi de faire leur transition de manière nettement plus aisée et discrète. Par ce biais, on peut espérer voire un grand nombre de personnes faire leur transition, trouver leur place dans la société, et être alors prête à faire face aux oppressions, aux discriminations et aux violences homophobes et transphobes qui se perpétuent.
Une organisation de personnes intersexuées comme l’Organisation Internationale des Intersexués (OII, www.intersexualite.org) est un groupe de soutien très étendu qui est également devenu une aide importante pour de nombreuses personnes intersexuées. Elle a ceci de très précieux qu’elle ne regarde pas l’intersexualité comme un défaut de naissance ou une imperfection, mais comme une différence, une variation de la nature, et elle est pleinement respectueuse des personnes dont l’identité sexuelle n’est pas traditionnelle.
Il sera aussi très important que des personnes aidantes provenant de ces mouvances se forment, pour fournir une aide et un accompagnement à des personnes qui en ont un grand besoin ainsi que pour informer les autres aidants et le grand public. Cette étape est encore à franchir, mais des approches, comme l’approche centrée sur la personne et d’autres créée par Carl Rogers, qui permettent une formation en cours d’emploi pour des adultes et qui ne sont pas engoncées dans un modèle stéréotypé des sexes et des genres risque de se révéler très utile pour cela.
Désolée d’avoir été longue, mais tout cela me parait important.
Sur la Transsexualité : Mildred Brown & Chloe Ann Rounsley. True Selves : Understanding Transsexualism - For Families, Friends, Coworkers, and Helping Professionals. Jossey-Bass ; Reprint edition (March 24, 2003) ISBN : 0787967025 Randi Ettner. Confessions of a Gender Defender : A Psychologist’s Reflections on Life Among the Transgendered. Chicago Spectrum Press (September 1996) ISBN : 1886094519 http://ai.eecs.umich.edu/people/conway/conway-French.html(Lynn Conway) http://www.tsroadmap.com http://www.ftmi.org/(FtM International : un des rares sites sur les hommes transsexuels, qui sont pourtant nombreux) http://syndromedebenjamin.free.fr/(Tom Reucher) http://sans.contrefacon.free.fr/(association « Sans Contrefaçon »)
Sur la relation d’aide avec les personnes "gender variant" : Randi Ettner. Gender Loving Care : A Guide to Counseling Gender-Variant Clients. W. W. Norton & Company (May 1, 1999) ISBN : 0393703045 Gianna E. Israel, Donald E. Tarver, Diane Shaffer. Transgender Care : Recommended Guidelines, Practical Information, and Personal Accounts. Temple University Press (January 1, 1998) ISBN : 1566398525 Arlene Istar Lev. Transgender Emergence : Therapeutic Guidelines for Working With Gender-Variant People and Their Families (Haworth Marriage and the Family). Haworth Press (April 2004) ISBN : 0789007088
Sur les personnes "gender variant" en général : Vern L. Bullough, Bonnie Bullough. Cross Dressing, Sex, and Gender. University of Pennsylvania Press (January 1993) ISBN : 0812214315 Tracie O’Keefe (Editor), Katrina Fox (Editor), Tracie O’Keefe, Katrina Fox. Finding the Real Me : True Tales of Sex and Gender Diversity. Jossey-Bass ; 1st edition (April 15, 2003) ISBN : 0787965472
Coup de projecteursur les « trans »En France, peu de travaux ont été menéssur les transsexuel(le)s.L’enquête exploratoiresur leur santé, publiée récemment, suscite donc la plus grandeattention et apporte des éclairagesintéressants, bien quele vecteur utilisé – Internet –exclut de fait un pan de cette population.À creuser très vite.>http://crips.centredoc.fr/docs/PDF_GED/S60019.pdf
Questionnaire Santé des Trans' en France (janvier 2012)
L'auteure Juliette Jourdan me demande de diffuser un questionnaire en ligne anonymes'adressant à toute personne se définissant comme « trans » (transsexuelle, transgenre...), qui a commencé ou terminé sa transition, et qui désire participer à une étude sociologique sur la prise en charge psycho-médicale et sur la santé des « trans » en France.
Cette enquête s'inscrit dans le cadre d'un travail de recherche en sociologie à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) de Paris.
Le but de cette recherche est double: d'une part, mettre en lumière ce qui, dans la prise en charge médicale de leur transition, peut poser problème; d'autre part, aborder la question de la santé et de la qualité de vie des personnes trans' au sens le plus large et de manière globale, dans la durée. L'accent est mis sur le vécu et le ressenti des personnes et leur appréciation subjective. Lien pour accéder à ce questionnaire. Il faut compter environ 15 à 20 minutes pour le compléter. > Plus d'infos en introduction du Questionnaire Santé des Trans' en France(docs.google.com)