actu > [Thaïlande] Hôtesses de l’air trans prêtes
au décollage P.C. Air a présenté avec une certaine fierté ses quatre
hôtesses trans, sur les trente membres du personnel de cabine, rapporte le «Bangkok Post». Première compagnie aérienne à recruter du personnel transsexuel, P.C. Air commencera ses opérations le 24 décembre 2011 en
Thaïlande. Un beau pari sur la diversité, afin de relever un défi commercial risqué. Même si elles font partie du paysage social thaïlandais, ces personnes transgenre sont largement cantonnées à des rôles subalternes dans les services à la personne
ou l'industrie, plus récemment dans le monde du spectacle, quand elles ne sont pas marginalisées. Plutôt que d'éliminer ces postulantes du 3e sexe, Peter Chan avait alors choisi, au
contraire, d'encourager ces candidates à lui faire parvenir leur CV. Relayée par la presse internationale, cette campagne de recrutement peu banale avait fait le tour du
monde. > LIRE (360.ch, 18 déc. 2011)
(1)Very Thai. Everyday Popular Culture», 2005.
lien de l'article : http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2268/articles/a373252-au_pays_des_hommesfemmes.html
revue de presse
Les cliniques refusent d'appliquer l'interdiction des opérations de castration
La directive du ministère thaïlandais de la Santé fait
suite à la demande d'associations qui s'étaient émues publiquement de certaines opérations de castration faites très rapidement sans vérifier les motivations réelles des patients et parfois
sans autorisation parentale, obligatoire pour les mineurs. Même si cette directive ne vise pas les opérations de changement de sexe mais uniquement les castrations, les cliniques refusent de
l'appliquer.
Comme ses collègues, le docteur Trep Wetswisit, chirurgien de la Pratunum Clinic, l'une des mieux cotées en la matière à Bangkok, s'est vigoureusement opposé à cette interdiction. Il a appelé
ceux qui souhaitaient recevoir une castration à venir se faire opérer dans sa clinique. Il a mis en exergue l'incohérence de la situation en déclarant:
«Cette situation est ridicule, ils ont interdit la castration mais pas les opérations de changement de sexe. Mais pour faire une
opération, vous êtes obligé de retirer les testicules.» par Fabien Lavie, tetu.com, 11 avril 2008
Thaïlande : durcissement de la législation pour les transsexuels
La Thaïlande durcit sa législation pour les transsexuels. A compter de la semaine prochaine, les candidats transsexuels devront respecter plusieurs
obligations avant de pouvoir subir l'opération, afin de montrer qu'ils y sont psychologiquement prêts.
Ils devront ainsi prouver qu'ils ont vécu comme une femme depuis au moins un an, recevoir un traitement hormonal et obtenir l'approbation de deux psychiatres.
Le changement de sexe est interdit en Thaïlande avant l'âge de 18 ans, et pour les 18-20 ans, un accord parental est nécessaire. Officiellement, la nouvelle législation est destinée à
éviter des changements de trop hâtifs. (source : E-llico.com,
26/11/2009)
[ACTUALITES RECENTES]
. Le 1er juillet 2010 a été inauguré à Pattaya le bureau de HON (Health and Opportunity Network),
un centre d’accueil pour transsexuels séropositifs.
>
LIRE (Gavroche-Thailande.com, 21-12-2010)
[Thaïlande] Haruna, Miss Transsexuel, milite pour le respect de ses semblables
Rayonnante dans une robe moulante, Haruna Ai était la plus belle samedi soir. Cette Japonaise, née homme il y a 37 ans, a gagné à Pattaya, dans le sud de la Thaïlande, le concours
de Miss Transsexuel et se voit désormais en porte-parole de ses semblables.
La Japonaise Haruna Ai lors du concours de beauté Miss International Queen 2009 à Pataya (Thaïlande), le 31 octobre 2009
PATTAYA, Thaïlande (AFP, 2-11-2009) — Haruna, animatrice de télévision, l'a emporté sur 20 autres créatures venues des quatre coins du monde pour devenir la Miss
International Queen 2009.
Un titre sérieux dans un pays où les transsexuels font partie du paysage social, et où la tolérance est loi à l'égard de bien des
pratiques considérées ailleurs comme déviantes, dégradantes, voire illégales.
Des millions de Thaïlandais ont regardé en direct le spectacle retransmis depuis Pattaya, cité balnéaire connue à l'étranger pour avoir porté
l'industrie du sexe à un niveau qui frise l'industrialisation.
"Je suis très, très heureuse", confessait Haruna en larmes à l'AFP, quelques heures après son sacre au Tiffany, présenté comme le plus grand cabaret de transsexuels du monde.
Grandie par un diadème en faux diamants, elle ajoutait: "Je veux que des compétitions comme celles-là montrent à tous qu'ils doivent s'aimer et
vivre librement".
"Le mode de vie japonais est plus traditionnel et les transsexuels ne sont pas libres. Mais en Thaïlande, ils font ce qu'ils veulent", a-t-elle dit.
La soirée n'aura pas toujours porté les attributs du discours politique le plus élaboré, lorsque défilaient sous les hurlements goguenards les
belles en costumes nationaux.
Avec une Américaine toute de plumes vêtues, et une Anglaise en hallebardier de la Tour de Londres, portant cuissards de satin noires et bonnet à poil.
Les lumières tamisées du Tiffany ont ensuite accueilli les candidates en robes de soirée puis maillot de bain rose, sous un ballet aérien de cerfs-volants fluorescents.
De quoi permettre le triomphe d'Haruna, repartie avec 10.000 dollars, un an de séjour dans un hôtel et un bon pour 500 dollars de chirurgie esthétique que visaient ses deux dauphines,
la Thaïlandaise Karngsadal Wongdusadeekul et la Brésilienne Daniela Marques.
Mais les commentaires "backstage" évoquaient une autre réalité, faite de discrimination et de frustrations.
"Je ne peux que rêver d'un événement comme celui-là aux Etats-Unis", a admis l'Américaine Sunny Dee-Lite, 32 ans, sortie première du défilé en robe.
La Chinoise Maggie Gao a pour sa part remporté cette année le prix de Miss Monde Shenzhen, organisé dans cette ville du sud de la Chine. Avant de se voir retirer son prix lorsque les
organisateurs ont constaté qu'elle était un homme.
Quant à Camilia Dzelma, 22 ans, elle appelait à plus de transparence après avoir été acceptée par sa famille musulmane à Singapour. "Je suis là pour montrer au monde que je ne suis pas
un monstre", a expliqué ce professeur de danse pour enfant d'une école publique. Et d'ajouter: "Ma mère m'a appelé pour me souhaiter bonne chance".
Même en Thaïlande, où les pratiques sexuelles sont libérées de la plupart des barrières morales qui pèsent en Occident, le combat n'est pourtant pas complètement gagné.
Les transsexuels s'y plaignent de ne pouvoir changer d'identité sur leurs papiers comme dans certains pays occidentaux. Et de nouvelles lois ont restreint les possibilités d'opérations.
La Thaïlandaise Sorawee Nattee, qui a gagné à 21 ans le titre national en mai, a même été convoquée pour son service militaire. "Mais quand j'y suis allée comme ça, en fille, avec des
seins, ils m'ont dit de partir".
THAÏLANDE • Transsexuelle mais pas “démente” du tout
Assez nombreuses dans un pays qui les tolère plutôt bien, les transsexuelles se battent pour que l’armée cesse de les réformer pour des motifs humiliants qui gâchent leur
vie, témoigne Global Post.
09.11.2010 | Patrick Winnn | Global Post
© Dessin de Istvan Banyai paru dans The New Yorker
Paru dans
DE BANGKOK, Thaïlande
C’était le jour de l’enrôlement dans la banlieue de Bangkok. Avec ses locks châtains tombant sur ses épaules, Prempreeda Pramoj Na Ayutthaya se dissimulait au milieu d’un millier
de jeunes. A l’appel de son nom, elle s’est levée, les jambes flageolantes, pour traverser la foule de garçons stupéfaits.
“J’ai paniqué. Au début, ils croyaient que j’étais la sœur d’un des leurs, raconte-t-elle. Mais quand je me suis avancée, tout le monde a compris que je n’étais pas une fille
et il y a eu un énorme raffut.”
La plupart des 500 000 Thaïlandais qui peuvent être tirés au sort par l’armée chaque année craignent d’être incorporés dans l’infanterie. Mais peu d’entre eux redoutent autant
d’être appelés que les katoeys, comme on appelle ici les transsexuelles. Ces jeunes, qui sont génétiquement des hommes mais se considèrent comme des femmes, voient l’enrôlement
comme une menace contre leur identité. “Ils nous coupent les cheveux et détruisent notre féminité. On fait tout ce qu’on peut pour l’éviter”, explique Prempreeda.
L’importante population de transsexuelles thaïlandaises pose un problème à l’armée, pour laquelle les katoeys doivent faire leur service militaire à 21 ans, comme tous les autres
garçons de leur âge. Dans la pratique, elle admet rarement ces jeunes parfumés aux cheveux longs et à la poitrine gonflée par les hormones. Ils sont considérés comme inaptes au
service, souvent pour “poitrine déformée”.
Mais le motif de rejet le plus fréquent est aussi le plus accablant : trouble mental ou, pis encore, démence. C’est ce terme qui a été inscrit en 2006 dans le dossier de Samart
Meecharoen, ce qui a poussé cette réceptionniste de 26 ans à devenir militante. Après avoir raté un entretien d’embauche pour avoir été cataloguée comme “démente” – la
plupart des employeurs exigent une attestation de service militaire des candidats –, elle a porté plainte contre le ministère de la Défense avec l’aide d’une association de
défense des homosexuels. “Ne comprennent-ils pas qu’ils ruinent notre vie ? s’insurge Samart. Ça nous suit toute notre existence. Même quand on veut ouvrir un compte en banque
ou qu’on fait une demande de visa, les gens nous voient comme des fous.”
Même si le ministère de la Défense a toujours le droit de rejeter les katoeys comme malades mentaux, l’affaire de Samart a conduit l’armée à s’abstenir de classifications aussi
préjudiciables à la carrière des intéressés. Pour rejeter les katoeys, les officiers de haut rang recommandent désormais d’utiliser une mention passe-partout : “Le corps de
cette personne ne correspond pas à son sexe de naissance.” La décision n’est pas définitive, mais beaucoup de transsexuelles souscrivent à cette formule. Ceux qui ont été
jugés “déments” ou “déformés” espèrent que ces qualificatifs peu flatteurs seront effacés de leur dossier.
Les jeunes katoeys qui craignent d’être enrôlés se rendent sur ThaiLadyBoyz.net, le plus grand site en langue thaïe sur la vie des transsexuelles. Le site propose en ligne une stratégie pour les futurs appelés.
“Fais-toi belle mais reste décente”, écrivait ainsi un usager. Prempreeda a suivi le conseil en choisissant une tenue correcte mais assez féminine pour montrer aux
officiers qu’elle était une vraie katoey. Elle avait alors 20 ans et prenait des hormones importées d’Allemagne depuis l’âge de 17 ans pour avoir de la poitrine. “Le médecin
de l’armée, plutôt jeune, m’a fait entrer dans une petite pièce fermée par un rideau, raconte-t-elle. Il y avait des garçons qui montaient au 1er étage dans l’espoir de
surprendre une scène sexuelle. Bien sûr, les transsexuelles sont les clous du spectacle.”
Prempreeda s’attendait au pire. Le médecin lui a demandé d’enlever le haut et a vu qu’elle portait un soutien-gorge de sport. “Il a ri, dit-elle. Il était évident qu’il
utilisait son autorité pour voir mes seins.” Son diagnostic a été “poitrine déformée”.
Aujourd’hui âgée de 31 ans, Prempreeda travaille comme chercheuse et consultante privée. Elle a eu de la chance. “Le président du conseil de révision a été très gentil quand
je lui ai demandé de ne pas ruiner ma carrière”, souligne-t-elle. Selon elle, les mentions de “démence” ou de “déformation” appliquées par l’armée aux
katoeys brisent le mythe selon lequel la Thaïlande serait un paradis pour les gays. “Nous ne sommes pas la cible de crimes ou de violences homophobes, observe-t-elle,
mais nous poursuivons notre lutte et il nous faudra beaucoup de temps.”
http://www.courrierinternational.com/article/2010/11/09/transsexuelle-mais-pas-demente-du-tout
REPÈRE Katoeys
Terre de tolérance, la Thaïlande compterait de 10 000 à 100 000 transsexuelles. Malgré les moqueries et les préjugés, les katoeys sont acceptées. Il faut dire que le
bouddhisme thaïlandais évoque quatre sexes différents, dont un sexe hermaphrodite et celui d’un homme qui dévie de la norme
hétérosexuelle. Désormais, la possibité de recourir à une opération de changement de sexe rend la vie des katoeys plus facile. En revanche, ce changement de sexe n’est pas
reconnu juridiquement par la Thaïlande, et leur communauté milite pour ce droit.
Et en France ?
Près de la moitié des trans’ opéré-e-s dans des hôpitaux français ont été victimes de
complications. Les résultats d'une étude de l'Inserm confirment les constatations des associations sur le terrain. Les études sur les trans’, leur santé,
leur parcours sont rares, et la publication des premiers résultats d’une enquête de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) la semaine dernière par
le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’Institut de veille sanitaire (InVS) est, en soi, une bonne nouvelle. Les conclusions, en revanche, n’en sont pas, et viennent
confirmer ce que les associations sentent sur le terrain... >
LIRE (yagg.com, 3-12-2011)
Sur la
transidentité en
ASIE
Au pays des
hommes-femmes
Ils ont choisi de changer de sexe, parfois dès l'adolescence. Elles sont médecins, attachées de
presse, journalistes, directrices commerciales, actrices, danseuses... A Bangkok, les «ladies boys» sont étonnament intégrées dans la société
De l'envoyée spéciale à Bangkok du Nouvel Observateur, Léna Mauger, 24 Avril 2008
Elle croise les jambes. Les décroise délicatement. Touche ses longs cheveux noirs. Parle d'une voix suave, sensuelle. Directrice commerciale, Crystal, 26
ans, travaille dans une grande tour de verre située au centre de Bangkok. Cette Thaïlandaise avenante est une manager pointilleuse, une salariée modèle appréciée par ses collègues. Mais aussi
une femme un peu spéciale. Crystal a un sexe d'homme. Elle est si féminine, si gracieuse qu'il est difficile de le croire. Même sa chef de bureau, qui la côtoie tous les jours, a mis un an à le
découvrir. Ici, on appelle les filles comme elle les «ladies boys» ou les «katoeys». On en compte près de 150 000 pour 63 millions d'habitants. Ces transgenres passent inaperçus. Elles sont
intégrées comme dans aucun autre pays au monde.
La Thaïlande ou «le paradis des trans».
Crystal a grandi dans cet éden. Elevée avec des filles, ses cousines, elle s'est toujours
«sentie femme». Mais elle ne se transforme qu'à l'université, une fois libérée de la pression
familiale. Crystal se laisse alors pousser les cheveux. Elle met des jupes et des talons. Prend des hormones pour avoir de la poitrine et une voix plus douce.
«Je suis devenue ce que
j'étais vraiment», dit-elle. A la fac, ses profs ne disent rien, pas une réflexion désobligeante. Ils ont l'habitude. Dans les amphis, les ladies boys sont nombreuses. Mais les parents de
Crystal - lui médecin, elle prof - sont très choqués.
«Ils ont fini par me comprendre, assure Crystal.
Ils ont vu que cela ne m'empêchait pas défaire une belle carrière.
Aujourd'hui, nous avons de bonnes relations. J'ai la chance de vivre dans une société ouverte, très tolérante sur les questions de sexualité.» Comme elle, en effet, les katoeys sont
généralement très bien insérées dans la société. Elles sont profs, médecins, attachées de presse, danseuses, coiffeuses... Elles exercent à la télévision, à la radio, au cinéma, partout.
Certaines sont des stars. Comme Kru Lili, une professeur de thaïlandais très charismatique. Ou encore Helen, une productrice, directrice de casting et écrivain à scandale. Une brune, aussi
délurée qu'élégante. Autre lady boy célèbre : Jacqueline, journaliste de 29 ans, présentatrice de shows, une femme avec des jambes de trois kilomètres, une taille de guêpe... Et puis il y a
Toom, le champion de boxe, le héros des ladies boys : son histoire les fait rêver. Celle d'un petit garçon pauvre, fils de paysans de Chiang Mai, une province du Nord, qui devient à 16 ans la
terreur du Lumpini Stadium de Bangkok, le ring de boxe thaïe le plus couru de Bangkok. Le cogneur au coeur tendre transgresse tous les codes. Avec l'accord de son entraîneur, il se maquille
dans les vestiaires avant les combats. Le public est bouche bée. Toom, le boxeur au rouge à lèvres... Et au sexe de femme. Le petit champion s'est fait opérer à 17 ans. Une décennie plus tard,
Toom se sent
«femme à 100%, mais cela dépend du regard des autres». Elle entraîne aujourd'hui de jeunes boxeurs. Mais ne combat plus guère, à cause des hormones, qui l'ont affaiblie
physiquement. Elle vit entre Bangkok et Chiang Mai avec sa fille - en réalité l'enfant de sa soeur. Dans le pays, tout le monde la connaît. Son itinéraire atypique a inspire un beau film,
«Beautiful Boxer», réalisé par le Thaïlandais Ekachai Uekrongtham, primé au Festival de Berlin en 2004. «
D'un point de vue occidental, l'histoire de Toom est incroyable, observe Philip
Cornwel-Smith, un écrivain anglais installé à Bangkok depuis quinze ans (1).
Mais les Thaïlandais voient la transsexualité différemment. Elle est moins taboue qu'en Europe. Ici, les
relations entre les hommes et les femmes ont toujours été compliquées. Comme les femmes sont difficiles à séduire, les hommes se sont traditionnellement tournés vers d'autres hommes. Les
katoeys jouent un rôle de gobetween
entre les sexes.» Est-ce la raison de la visibilité des ladies boys ? La clé explicative de ce «paradis» ? Crystal, elle, évoque un autre
facteur. Ici, dit-elle, les hommes ont un physique naturellement délicat, des os fins, une faible pilosité... Ils sont d'ailleurs souvent représentés sous des traits féminins dans la
littérature et les arts.
«En Thaïlande, la beauté est féminine, affirme -t-elle.
Il est beaucoup plus facile qu'ailleurs pour les hommes de se transformer.» «Il n'y a pas un
facteur unique, ajoute Prempeeda Pramoj, une jeune maître de conférences, spécialiste des questions du genre, elle-même lady boy.
L'influence religieuse joue aussi un rôle important.
Le bouddhisme est très tolérant sur les questions de sexualité.» En Thaïlande, les parents laissent donc souvent leurs enfants suivre leurs inclinations. Ils ne s'opposent pas à ce que les
garçons qui «se sentent femme» prennent des hormones, souvent dès l'adolescence, pour transformer leur corps. Aujourd'hui, les jeunes ladies boys, élevées plus librement encore que leurs
aînées, en prennent dès 12 ou 13 ans. Celles qui en ont les moyens changent ensuite de sexe. Depuis quelques années, les centres de chirurgie se multiplient.
Le
Yanhee International Hospital est l' un des plus réputés. Il est situé dans un quartier résidentiel, à l'écart des temples touristiques. Au 5
e étage, le département de
«chirurgie sexuelle» ressemble à un grand appartement de série porno chic. Des infirmières en minijupe blanche passent et repassent en faisant claquer leurs petits talons. Sur les murs, des
photos de ladies boys vantent les succès des opérations. Le docteur Greechart Pornsinsirirak, un petit moustachu, est l'un des quatre chirurgiens à pratiquer les «changements de sexe». Prix à
payer : entre 6 500 et 7 500 euros.
«Je fais aussi la poitrine, les sourcils, la voix...», annonce fièrement le médecin en montrant des images de trans opérés. Ses patients sont âgés
de 16 à 65 ans.
«Des adolescents de plus en plus jeunes viennent me voir. Moi, je refuse de les opérer, explique-t-il.
Il faut être un peu mature pour prendre ces décisions. Mais
d'autres hôpitaux n'ont pas ces hésitations. La chirurgie est devenue un vrai business.» Au paradis des trans, les ladies boys de 12 ans avec de faux seins sont de moins en moins
rares...
Dans la rue, il est presque impossible d'identifier ces représentantes du troisième sexe, parfois plus belles que certaines femmes. Nong Film, la
Miss lady boy 2007, une petite
princesse de 17 ans, est un canon de beauté. Amp, une célèbre actrice de série télé, a des airs de Sophie Marceau... Plus d'un touriste s'est fait berner par ces copies plus que parfaites. Sur
les forums de voyage, certains livrent leurs déconvenues. Et invitent à ne pas oublier ce proverbe thaï' :
«Lorsque tu rencontres une belle femme, méfie-toi, c'est certainement un
homme.» Crystal, elle, ne ment jamais sur son identité sexuelle. Elle drague les hommes en annonçant la couleur. Mais elle évite de tomber trop vite amoureuse. Elle sait qu'elle est
«en concurrence avec des vraies femmes». Actuellement, elle est célibataire : l'amour n'est pas sa priorité du moment. La jeune directrice commerciale est débordée, elle n a pas le
temps de penser a elle. Lorsqu'elle ne travaille pas à L'Occitane, elle anime une réunion de la
Rainbow Association, une organisation de défense des homosexuels et des trans, ou bien
rencontre des membres du gouvernement. Crystal est une militante, une porte-parole des trans, aujourd'hui très célèbre dans le pays. Son plus grand fait d'armes ? Son attaque lancée en juin
2007 contre le groupe
Novotel. Motif :
«On m'a refusé l'entrée de la boîte de nuit de l'hôtel de Bangkok, explique Crystal.
Le réceptionniste m'a dit que mon physique ne
correspondait pas au sexe de ma carte d'identité. C'est de la discrimination !» Face à une fronde médiatique, la chaîne d'hôtels a fini par présenter des excuses publiques à Crystal.
L'incident a eu des effets spectaculaires : deux mois plus tard, la Thaïlande a changé sa Constitution. Depuis, le pays reconnaît, pour la première fois de son histoire, l'égalité des droits
aux homos et aux trans. Crystal jubile. Elle jure de poursuivre le combat. Et la route vers l'égalité est encore longue.
«Aujourd'hui, les ladies boys n'ont pas le droit de changer de
titre, se révolte -t-elle.
Sur nos papiers d'identité, on s'appelle officiellement monsieur. C'est un vrai problème pour voyager. On ne peut pas passer les contrôles de police ni
devenir hôtesses de l'air... Pourtant ce droit existe au Japon, en Corée, en Indonésie, en Australie, en Nouvelle-Zélande...» Autre problème rencontré par les ladies boys : dans les
campagnes, plus conservatrices que les grandes villes, certaines sont rejetées par leurs proches. Ces parias quittent donc très jeunes le foyer familial. Direction Pattaya, à deux heures de
Bangkok, le repaire des trans, mais aussi des prostituées de tout genre.
«Aujourd'hui, conclut Crystal,
la face cachée de notre paradis, c'est ça : le grand marché du tourisme
sexuel.»