4 Janvier 2007
« Quand elle parle, il brise tous les tabous de l’islam ». Ali Saleem, alias madame Nawazish Ali, transsexuel pakistanais de 27 ans qui présente un show décapant tous les samedis soirs sur la chaîne privée Aaj TV, a les honneurs du «New York Times» dans son édition du jeudi 3 janvier.
Dans la peau d’une veuve quadragénaire drapée dans des saris aux couleurs clinquantes, il reçoit depuis un an et demi stars de cinéma et politiciens dans son salon et assure un « talk show » au ton franchement osé dans un pays aussi traditionnaliste que le Pakistan. Au programme des discussions : questions politiques, débats sur la démocratie - alors que le président Pervez Musharraf est arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’état militaire en 1999 - mais aussi sexe et conseils de drague. Le modèle politique du présentateur ? Benazir Bhutto, seule femme à avoir occupé le poste de Premier ministre du pays de 1988 à 1990.
La transsexualité du présentateur permet paradoxalement à l’émission d’exister car une véritable femme ne pourrait aborder librement les sujets qu’Ali Saleem se permet de traiter, précise le journal.
Le style direct et sans tabou d’Ali - pas au goût de tous puisqu’une pétition en ligne exige la déprogrammation de l’émission – a réussi à séduire les téléspectateurs urbains plus ouverts et moins religieux qu’à la campagne. Cependant, précise le « Times », le succès précis est difficile à connaître car les chiffres d’audience n’existent pas au Pakistan.
Mais le concept devrait s’exporter malgré tout puisque Ali Saleem doit se rendre en janvier chez l’ennemi indien et signer un contrat avec la chaîne indienne NDTV, selon le site indien « Daily New and Analysis ». Il interviewerait alors les principaux dirigeants de l’Inde sur le même mode personnel.
C’est qu’Ali Saleem croit aux bénéfices pédagogiques de son émission et souhaite rien de moins qu’« inspirer et pousser chacun à faire le bien dans la société », selon le site « Blogcritics Magazine ». Le transsexuel pense également pouvoir faire reculer le machisme ambiant et révéler les aspects féminins de chaque homme à lui-même.
Si l’émission existe grâce à la libéralisation politique des médias tolérée par l’actuel régime, Ali Saleem reconnaît qu’il y a certaines limites qu’il ne peut se permettre de dépasser. S’il souhaite ainsi inviter le président Musharraf dans son émission, il sait que cela lui est pour l’heure impossible. Mais il ne perd pas espoir : « Si le président est allé dans le show de Jon Stewart [The Daily Show sur la chaîne américaine Comedy Central], pourquoi ne viendrait-il pas dans le mien ? ».
Alexandre Sulzer, 20Minutes.fr, éditions du
04/01/2007
Vidéo : Voir l'émission de Begum Nawazish
Ali