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Différences (le blog de caphi consacré à la TRANSIDENTITE et l'INTERSEXUATION)

Revues de presse et de blogs par une journaliste transgenre qui traite de la TRANSIDENTITE (appelée improprement "transsexualité").Le blog "Différences" est devenu aujourd'hui une REFERENCE FRANCOPHONE sur la TRANSIDENTITE

Comment la psychiatrie traitait/traite les transsexuel(le)s...

Sur le site Histoire de la psychiatrie en France est présenté un texte publié en 1952 dans l'une des plus importantes revues de psychiatrie en France. Il est intéressant à plusieurs titres et en particulier pour savoir comment la psychiatrie traitait les transsexuel(le)s dans des temps (pas si ?) réculés...

Mais aujourd'hui encore, au XXIeme siècle, certaines méthodes perdurent...

En préambule, l'auteur définie le transsexualisme :

"Jusque dans les années 1970 ou 1980, la conviction exprimée par une personne d'être de l'autre sexe, pour dire les choses simplement, était généralement considérée comme délirante au sens psychiatrique du terme, et relevait donc d'une schizophrénie ou d'une autre psychose délirante chronique.

En ce temps-là, l'homosexualité et le travestisme étaient des perversions sexuelles.

La place du transexualisme ou dysphorie de genre a en cinquante ans totalement changé, dans le domaine médical aussi bien que dans la société dans son ensemble..."
(source : Histoire de la psychiatrie en France - http://psychiatrie.histoire.free.fr/index.htm - pour lire le texte en entier, aller dans l'onglet "Traitements" puis "varia" et enfin : "transexualisme")

L'auteur y présente également deux très anciennes observations, qui montrent que " le fait transexuel existait dans les siècles passés, sous une forme clinique fort proche de celle qu'on lui connait de nos jours
(avec tout ce que l'exercice du diagnostic rétrospectif comporte d'incertitude et de risque...)".

La première, intitulée Mademoiselle Rosette, a été rédigée un siècle environ après la mort de l'infortuné transexuel béarnais :

Mademoiselle Rosette
(1678-1725)

«M. V.., natif de Barège en 1678, passa de l'enfance à la mélancolie avec délire. A la folie près de se croire fille, il conservait l'usage de toute sa raison; l'éducation paternelle ne le changea point. On l'envoya à Toulouse, où il prit le degré de bachelier en droit; il fuyait ses camarades, vivait dans la retraite, affectait d'être dévôt, et tout cela pour convaincre qu'il était fille.

Il ne fallait à M. V... que des habits de femme; il employa l'argent destiné à sa pension pour en acheter. Il était obligé de se présenter dans le monde, puisqu'il était précepteur. Retiré dans sa chambre, il prenait ses habits favoris. Surpris dans cet état, il ne sa justifia point, et assura qu'il ne portait les habits d'homme que pour obéir à ses parents. Il passa dans une autre maison, et fut renvoyé pour le même motif. Enfin, il quitta Toulouse de dépit, et retourna à Barège pour publier qu'il était fille.

Le père de M. V... voulant le désabuser, l'envoie deux ou trois fois dans les villages voisins pour tenir l'audience. Sa folie lui laisse tout le discernement nécessaire pour bien juger, mais il ne sa désabuse point.

Son père veut lui en imposer et a recours à l'autorité. Les menaces et les appareils de rigueur rendent furieux notre monomaniaque, qui menace les jours de son père; celui-ci meurt peu après; les idées du fils prennent alors plus d'énergie, et il se containt moins.

M. V... paraît en habits de femme dans les rues, dans les églises, quoique chassé, poursuivi, honni partout par les enfants; il change souvent de demeure, et enfin se fixe à la campagne pour ne plus quitter ses vêtements chéris.

A l'âge de quarante ans, il entreprend un grand voyage pour désabuser toutes les personnes qui l'ont vu en habits d'homme, s'accusant de sêtre travesti, et d'avoir injurié les femmes en se travestissant en homme. Il se présente partout sous le nom de mademoiselle Rosette. Malgré les désagréments d'un tel voyage, il ne peut se désabuser lui-même.

Pour n'être pas trahi par sa barbe, M. V... l'arrachait avec des pinces et la pierre ponce; il se formait le sein avec des étoupes; il portait un corset garni de fer. Si on lui objectait que sa barbe et son air le démentaient, il répondait que c'était une erreur de la nature, étant vraie fille, sujette aux incommodités périodiques, et il prenait des précautions pour n'être pas démenti par la propreté du linge; son délire est allé jusqu'à se croire enceinte.

A quarante-sept ans le mal ne fit que grandir. M. V. eut des visons; une belle dame lui apparut, lui fit faire vœu de chasteté, et lui promit qu'en vivant de lait et de fruits, le pouvoir de passer pour fille lui serait donné. Alors il commença à dire qu'il n'était pas né fille, mais qu'il l'était devenu en sautant un fossé.

Cette même année, cinq mois avant sa mort, M. V... tomba en syncope. Le médecin et le chirurgien trouvèrent ses organes génitaux enchaînés au travers d'un amas de peaux étrangères arrangées artistement pour donner du corps à la folle idée de Rosette. La figure hideuse d'un sexe détruisait la réalité de l'autre, et le malade eût succombé par l'effet d'une compression trop violente. Pendant qu'on le déliait et le débarrassait, il entra en fureur, voulant mordre et cracher au visage. Il resta en fureur jusqu'au lendemain, et ne redevint calme que lorsqu'il vit le cher objet de sa chimère.

Quelques jours avant sa mort, sa tête se brouilla davantage; il tomba dans un grand affaiblissement; il entrait en fureur quand on lui présentait des habits d'homme. On lui fit signer un testament en flattant sa folie et le laissant avec ses habits chéris.

Le testament, quoique fait en faveur des hospices en 1725, fut cassé : 1° à cause de l'état de démence du testateur; 2° à cause de l'erreur de son propre sexe dans laquelle était le testateur; 3° à cause de la suggestion prouvée par la présomption et par les faits; 4° par d'autres nullités dont fourmillait le testament.»


L'histoire de Dumoret alias Mademoiselle Rosette a été étudiée par Sylvie Steinberg, dans son ouvrage La confusion des sexes; le travestissement de la Renaissance à la Révolution (Fayard, 2001. Voir le forum La Folie XVIIIème) et plus récemment par Alain Chevrier, dans Histoire de Mademoiselle Rosette : Testament cassé d'un homme qui croyait être une fille (Gallimard, Collection «Le cabinet des lettres», 2007. Voir encore la présentation de l'ouvrage et la biographie de l'auteur sur le site Amazon.fr) : l'histoire a été rapportée par le polygraphe François Gayot de Pitaval dans un des volumes de son recueil de Causes célèbres, paru en 1741.

* *

L'observation suivante, plus connue, a pour auteur Etienne Esquirol, qui l'a publiée à la fin de son article Démonomanie, du Dictionnaire des Sciences Médicales. Elle a été maintes fois citée, par Marandon de Montyel notamment dans son article intitulé «De la maladie des Scythes» paru en 1877 dans les Annales médico-psychologique, par Ant. Ritti dans la séance de la Société médico-psychologique du 27 mars 1905 consacrée aux invertis.


«J'ai donné des soins, il y a bien des années, à un homme âgé de vingt-six ans, d'une taille élevée, d'une belle stature, d'une jolie figure, qui, dans sa première jeunesse, aimait à revêtir des habits de femme. Admis dans la haute société, si l'on y jouait la comédie, il choisissait toujours les rôles de femmes; enfin, après une très légère contrariété, il se persuada qu'il était femme et chercha à en convaincre tout le monde, même les membres de sa famille; il lui arriva plusieurs fois chez lui de se mettre nu, de se coiffer et de se drapper en nymphe; dans cet habillement il voulait courir dans les rues.
Confié à mes soins, hors de ce travers d'esprit, M... ne déraisonnait point, mais il était toute la journée occupé à se mirer dans une glace, et avec ses robes de chambre il faisait tous ses efforts pour rendre son costume aussi semblable que possible à celui d'une femme; il imitait leur démarche en se promenant.
Un jour, me promenant avec lui dans un jardin, je soulevai le pan de sa redingote qu'il avait arrangé de son mieux; aussitôt M... fait un pas en arrière et me traite d'impertinent et d'impudique. Nul raisonnement, nul soin, nul régime n'ont pu rendre raison à ce malheureux.»

Esquirol, article Démonomanie, Dictionnaire des Sciences Médicales, 1814

Egalement, y lire Transexualisme : Histoire d'un mythe, éléments d'une mystification
 
source : Histoire de la psychiatrie en France - http://psychiatrie.histoire.free.fr/index.htm
(pour lire le texte en entier, aller dans l'onglet "Traitements" puis "varia" et enfin : "transexualisme")
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