14 Mars 2008
Turquie : Faut-il fermer l'une des seules associations Gay ? |
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Deux années ont passé. Depuis. Je reçus un coup de fil. Me rendrais-je aux locaux de l’association Lambda ? Les travestis et
les transsexuels travailleurs de sexe étaient alors soumis à une forte pression. A Ankara, on forçait la porte de leurs domiciles. A Istanbul, la main de la police tendait à devenir
de plus en plus lourde. Leurs vies alors difficiles et soumises à toutes sortes d’oppression étaient rendues encore plus invivables. Allais-je y aller ?
J’irais. Lambda : une association dans le quartier de Beyoglu. En tentative d’existence. Ils n’ont pas d’argent. Une association pauvre, vivant pour l’honneur, pourrions-nous dire. Elle ne s’appuie que sur les cotisations de ses membres. Ce sont Bawer et Mehmet qui se sont alors présentés à moi. Mehmet ? Mehmet Tarhan ! C’est-à-dire l’objecteur de conscience à l’origine de mon article intitulé « l’objection de conscience : droit fondamental ». A l’origine de la procédure de justice qui devait suivre en « vertu » de l’article 318. A l’origine de mon procès auquel devait assister Oktay Yildirim, le même personnage qui serait appréhendé un peu plus tard avec tout un arsenal lors de la descente de police dans la quartier ankariote d’Ümraniye [dans le cadre de l’affaire Ergenekon, NdT]. Motif de sa présence : « spécialiste du Moyen – Orient ». Je suis aujourd’hui à nouveau jugée pour un autre article intitulé « l’objection de conscience aujourd’hui », toujours sur la base du même article 318.Yildirim Türker également. [Homme de lettres, chroniqueur, universitaire, opposant démocrate et homosexuel notoire en Turquie, NdT] Et puis Bülent Ersoy désormais [Chanteuse transsexuelle mise en cause et sous le coup d’un procédure judiciaire pour avoir osé dire qu’elle préférait la solution à la mort pour ce qui est de la question kurde, NdT] L’Etat ne se rassasie donc toujours pas de juger (enfin c’est ce qu’on comprend) les gens pour un motif aussi émotionnel, confus, au-delà de toute définition, voire métaphysique que celui de « REFROIDIR LE PEUPLE A L’ENDROIT DE LA CHOSE ET DU DEVOIR MILITAIRE. »
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Enfin, bref. J’ai ce jour-là dans les locaux de Lambda fait la connaissance de Bawer et de Mehmet, mon héros. Deux jeunes bien et fort sympathiques. Faut-il en Turquie qu’il y ait une association des Gays ou non ? Vous en vouliez une de question test pour la démocratie ? He bien en voilà une. Et voilà qu’aujourd’hui on cherche à faire fermer cette association sous prétexte (un prétexte avancé et construit par la préfecture d’Istanbul) que « les statuts de cette association sont contraires au droit et à la morale ». Chaque Turc naît soldat (art : 318). Des Turcs, pas des gays (Lamda : fermeture). Tous ceux qui ne se conforment pas à l’idéologie identitaire turque jalouse d’un statut de race supérieure sont alors déférés au Juge turc. Et de nos jours, l’ultime et seule garantie de pouvoir jamais vivre comme une race supérieure est encore la magistrature. Et la seule et intègre association homosexuelle de Turquie paraît encore de trop à ce système. Maintenant que le jugement est rendu, la parole est à la Cour… De Cassation. Je complète le communiqué de presse de l’association : le 29 mai 2008, un tribunal rendait une décision de fermeture de l’association Lambda Istanbul. La suite de la procédure relève désormais de la Cour de Cassation. Et tant que le juge suprême n’aura pas statué l’association continuera d’exister. Lambda existe depuis 1993 à Istanbul. Elle s’est constituée en association depuis 2006. Et la préfecture d’Istanbul en a référé au Parquet pour fermeture au motif de statuts contraires au droit et à la morale publique. Le procureur de la République a refusé d’examiner la requête en vue d’une fermeture dans le cadre du principe général de liberté d’association. Non satisfaite, la préfecture a alors décidé de porter l’affaire devant un tribunal. Lancé en juillet 2007, le procès en était arrivé à sa sixième séance lorsque le 29 mai dernier, dans l’enceinte du palais de Justice de Beyoglu (Istanbul), la décision de fermeture fut prise à l’encontre de l’avis émis par un expert. Ce que nous comprenons de cette affaire, c’est que l’on essaye en Turquie de pousser une association à l’existence aussi légale et réelle que les associations de gays et lesbiennes en dehors des voies de la légalité. L’ordre social dans ce pays, au lieu de chercher à solutionner les contradictions qui le traversent, se borne à condamner les identités et les personnalités sur qui s’exacerbent ces mêmes contradictions. De la sorte, tous ceux qui se vantent de préserver l’ordre social font la preuve manifeste de ce qu’il leur est bien plus profitable de laisser gays, lesbiennes et transsexuels poursuivre ainsi leurs existences sous le joug de toutes les exploitations. Quant à nous, conscients de la nécessité d’efforts prolongés pour parvenir à élargir et assurer le socle légitime de toute lutte pour les droits, nous poursuivrons tous nos efforts dans le sens d’élargir l’assise de notre combat sur la base d’une reconnaissance légale.
Radikal, le 01-06-2008 Traduction pour TE : Marillac |
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La société turque est assez « macho » et très masculine. Les comportements efféminés chez les hommes ne sont pas du tout bien vus. L’homosexualité et tous les signes visibles appartenant aux minorités sexuelles sont tabous et interdits. Les transsexuels et les travestis sont condamnés à se prostituer étant donné qu’il n’y a pas d’autre solution possible de survie pour eux. Il est clair que quelque chose est fortement réprimé, n’est-ce pas ?
J’ai toujours trouvé la société turque assez hypocrite concernant le respect des minorités sexuelles. J’étais à l’université quand j’ai constaté pour la première fois combien profonde était, dans la société turque, l’auto dénégation dès qu’il s’agit des questions d’homosexualité et de toute autre sorte de « comportement efféminé » chez les hommes. Vers la fin de mes études à l’université, j’avais décidé de gagner un peu d’argent pour subvenir à mes dépenses scolaires. Avec un de mes amis, nous avons acheté un chariot que nous avons transformé en établi pour vendre des « kokoreç » (tripes de mouton grillées).
Cependant, nous ne réussissions pas vraiment dans cette affaire et nous attendions jusqu’au matin pour écouler notre marchandise. Grâce à ce travail, j’ai
pris conscience de « la vie nocturne » dans les rues d’Ankara. C’était incroyable et choquant de voir ces longues files de voitures attendant de pouvoir choisir un de ces
transsexuels ou travestis dans les rues. S’il y avait en compétition une femme prostituée et un transsexuel, c’était toujours ce dernier qui l’emportait. Des « types
normaux », des « hommes mariés » se transformaient en autre chose la nuit. La plupart de ces types étaient probablement ceux qui accusaient les homosexuels et autres
minorités sexuelles de perversion dans leur vie de tous les jours. Et je pense qu’ils ne se voyaient pas eux-mêmes comme des homosexuels. Des homosexuels pour distraire J’ai dit qu’il n’y avait pas d’autre alternative que la prostitution pour les transsexuels et les travestis. J’ai aussi signalé que la société turque n’autorise pas les manifestations physiques de l’homosexualité en public. Pourtant, il y a une exception intéressante à cette règle et c’est le domaine du show-business. On voit des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Travestis) à la télévision et dans n’importe quel night club comme chanteurs, interprètes ou artistes et ils deviennent relativement habituels dans notre monde du divertissement. Des gens qui n’ont aucune tolérance vis-à-vis des LGBT sont enchantés de les voir faire partie de leurs distractions. Si Freud était encore vivant aujourd’hui, je suis sûr qu’il ferait une très longue analyse de cette situation particulière. Néanmoins, même sans être psychanalyste de profession, on peut aisément comprendre que cette apparence macho cache quelque chose dans la société turque. De Zeki Müren à Bülent Ersoy Dans les années 1990, nous avions Zeki Müren, qui était connu pour être le « soleil de l’art » et dans les années 2000, nous avons Bülent Ersoy. Zeki Müren était homosexuel et ne le cachait pas. Bülent Ersoy est un célèbre transsexuel. Ces artistes « marginaux » sont talentueux, sans aucun doute, mais je crois aussi que leur « apparence travestie » les a bien aidés à devenir des « super stars » en Turquie. Il est étrange qu’un désavantage manifeste, une identité stigmatisée dans la vie « normale », puissent devenir un véritable avantage quand il s’agit du domaine de la chanson, de l’art dramatique, etc. Peut-être représentent-ils la face sombre ou l’archétype jungien pour être plus exact. La façon dont la société turque se comporte avec les minorités sexuelles mérite une analyse beaucoup plus profonde et je pense que cela peut nous aider à avoir une vision plus claire de la culture populaire turque moderne. Ce sujet revient encore une fois à l’ordre du jour avec les remarques de Bülent Ersoy sur l’incursion actuelle des Forces armées turques dans le Nord Irak. Ses commentaires sur cette opération militaire ont provoqué une réaction assez violente de la part des médias et de certaines catégories de la société et Bülent Ersoy est devenue le centre de la critique. Bülent Ersoy, militante pacifiste Ses déclarations vont probablement être commentées pendant longtemps. Lors d’un programme télévisé, elle avait déclaré : « Je ne sais pas exactement ce que signifie que d’avoir un enfant. Je ne suis pas une mère et je ne pourrai jamais l’être. Mais je suis un être humain et en tant qu’être humain, les enterrer… Peut-être que moi, je ne sais pas combien le cœur de ces mères est brisé, mais les mères le comprennent. Ce n’est pas une guerre qui se déroule dans des conditions normales. C’est un scénario écrit d’avance et les gens sont forcés de le jouer. C’est une intrigue dont il est difficile de se sortir. » Elle a été attaquée de tous côtés après avoir énoncé ce qu’elle pensait. Très récemment, elle a donné une conférence de presse dans laquelle elle a déclaré qu’elle assumait ses mots. Ce que Bülent Ersoy a fait semble indiquer un changement dans la relation des masses avec les LGTB dans le domaine de divertissement ainsi appelé. Le contrat avec eux était quelque chose du genre : ces LGTB apparaîtraient en public sans cacher leur identité ; les masses aimeraient cela car cela représenterait leur face réprimée. Cependant, quand apparaîtraient les LGTB, ils affirmeraient uniquement leur identité, mais ne suggéreraient aucune critique ni confrontation à la société. Bülent Ersoy pourtant a attaqué les racines même de la virilité des Turcs en s’opposant à l’incursion militaire et aussi en rappelant aux mères turques comment elles devraient percevoir cette guerre. La Turquie va-t-elle tolérer des mots sérieux prononcés par un membre d’une minorité sexuelle qui divertit beaucoup les Turcs ? On verra… Source : TDZ
Traduction pour TE : Sebahat Erol |