26 Juillet 2011
Pas facile d'établir l'égalité des droits, même dans l'Union européenne! La situation des personnes transgenres illustre bien les différences, parfois énormes, qui existent entre les Vingt-Sept. Certains Etats membres leur reconnaissent le droit au mariage tandis que d'autres n'acceptent même pas le changement de sexe. Toute l'Europe fait le point sur la question. (source www.touteleurope.eu, 8/04/2011)
L'absence de définitions communes des notions relatives au genre entraîne des différences de traitement des personnes transgenres selon les pays. Un premier groupe de 14
pays admet, soit par la législation soit par la pratique, que les discriminations envers les transgenres sont une forme de discrimination sexuelle. C'est aussi la position exprimée par la
Cour de justice de l'Union européenne en 2006. L'Allemagne et la République tchèque considèrent au contraire qu'il s'agit d'une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Cette
différenciation est fondamentale dans la mesure où la législation sur l'égalité entre hommes et femmes s'applique aux transgenres dans les pays où la discrimination est reconnue comme
sexuelle.
Enfin les onze autres pays ne possèdent aucune législation ou jurisprudence sur la question.
En revanche, tous les Etats membres de l'Union européenne sauf la France s'accordent sur la caractérisation du transsexualisme comme "trouble mental". Dans un document thématique intitulé
"Droits de l’homme et identité de genre", le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe écrit que "ces classifications
posent problème et sont de plus en plus mises en cause par les acteurs de la société civile et les professionnels de santé. Elles peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux des
personnes transgenres, notamment si elles servent à limiter leur capacité juridique ou à leur imposer un traitement médical".
Selon l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, un quart à un tiers des transgenres en Europe ont déjà tenté de se suicider.
En droit européen, la directive "refonte" adoptée en 2006 consolidait les droits des trans en mentionnant pour la première fois la discrimination fondée sur "le changement de sexe".
L’égalité de traitement devait s’appliquer sur la base du genre acquis à la suite d’une conversion sexuelle et non du sexe attribué à la naissance. Mais ce premier pas positif a un impact
limité, puisqu'il concerne exclusivement les personnes pour lesquelles un changement de sexe a été effectué… soit 10% de la population transgenre.
Selon les principes de Jogkajarta présentés aux Nations-Unies en 2007 et qui concernent l’application des droits de l’homme en matière d’orientation sexuelle et
d’identité de genre, "personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à
la reconnaissance légale de son identité de genre. Aucun statut, comme le mariage ou la condition de parent, ne peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance légale de
l’identité de genre d’une personne".
A l'examen des législations des pays membres, la plupart ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'arriver à l'application de ce troisième principe de Jogjakarta. Seuls quatre pays
permettent de changer de genre sans passer par un traitement hormonal ou chirurgical : la Hongrie, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni. Ce n'est pas le cas dans la majorité des
Etats-membres (16), où les personnes demandeuses doivent en plus prouver qu'elles sont devenues irréversiblement stériles. Les transgenres sont ainsi le seul groupe en Europe à subir
une stérilisation forcée prescrite par l'Etat, ce que le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a jugé contraire au principe de respect de l'intégrité physique des
individus.
Enfin à Malte, en Grèce, à Chypre, en Slovénie, en Lettonie, en Roumanie et en Irlande, il n'existe aucune disposition en la matière.
En ce qui concerne le changement de prénom, la diversité des situations est tout aussi importante entre les pays où la procédure est relativement simple, comme le Royaume-Uni ou Malte, et
l'Irlande où c'est tout simplement interdit. Trois pays n'ont toujours pas légiféré sur la question : Chypre, la Bulgarie et la Roumanie. Dans 17 Etats, le changement de prénom est
conditionné par des critères allant de l'évaluation de santé à l'obligation d'intervention chirurgicale.
Contrairement à ce qu'indique la jurisprudence de la CEDH, l’État refuse de prendre en charge les traitements hormonaux pour 80 % des personnes transgenres et les opérations de changement
de sexe pour 86 %, selon l'étude Transgender EuroStudy. Plus de la moitié des personnes désireuses de suivre un tel traitement sont donc obligées de le prendre un
charge financièrement.
Plus généralement, l'accès aux soins de santé peut se transformer en parcours du combattant pour beaucoup de trans. Ainsi, l'étude indique que l’accès au traitement d’un tiers des personnes
interrogées leur a été refusé parce que le praticien désapprouvait le changement de sexe. L’Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) précise que de nombreuses personnes
évitent autant que possible les visites chez le médecin de peur d’avoir affaire à un comportement déplacé.
Le chemin à parcourir reste encore long pour garantir les droits des personnes transgenres. La Grande-Bretagne fait figure de bon élève, depuis la loi sur la reconnaissance du genre
(2005) qui permet aux trans d'obtenir un certificat de reconnaissance du genre assurant la reconnaissance juridique du nouveau sexe, et qui ouvre le droit à l'obtention d'un nouvel acte de
naissance où ne figure pas le changement de sexe. D'autre part la discrimination en matière d’emploi ou de formation fondée sur une conversion sexuelle est considérée comme une
discrimination fondée sur le sexe, et aucun traitement médical n’est nécessaire pour changer de prénom, même sur les documents officiels.
Malgré tout, une étude menée par le gouvernement britannique en 2007 (Equalities Review) révèle que presque la moitié des interrogés n'utilisent pas certains services publics de peur de s'en voir l'accès refusé ou limité.