par Robert Solé,
Le ministère de l'intérieur expérimente, paraît-il, un nouveau logiciel : appelé Ardoise, il permettrait, selon le Collectif contre l'homophobie, de collecter des renseignements personnels sur toute personne entendue comme victime, témoin ou auteur présumé d'un délit. La police pourrait ainsi inscrire sur ses fichiers que vous êtes handicapé ou homosexuel ou permanent syndical... C'est difficile à croire, compte tenu de la loi "Informatique et libertés". Je suis quand même allé hier déclarer au commissariat le vol de ma voiture.
- De quel véhicule s'agit-il ?, m'a demandé le policier.
- Une Mégane gris métallisé.
- Quelle est votre couleur préférée ?
J'ai répondu : "Bleu turquoise", ce qui est la stricte vérité, et il l'a inscrit sur son ardoise. Il m'a demandé alors si je faisais de la natation en salle, si j'aimais le ris de veau, si je comptais prendre une retraite anticipée, si j'aurais pu être orthophoniste, si j'étais fidèle en amour et s'il m'arrivait d'être inquiet.
Là, j'ai protesté : inquiet, moi ? Jamais !
Robert Solé
PARIS (AFP, 15 avril 2008) — Un nouveau logiciel testé par la police, baptisé "Ardoise", suscite une polémique, des associations redoutant des "dérives" avec l'utilisation discriminatoire de données personnelles, alors que deux syndicats de policiers ont exprimé des réserves.
"Ardoise" met en évidence un certain nombre de données et de profils, classés par rubriques et destinés, selon ses concepteurs, à "cerner" la victime ou le présumé auteur des faits.
Ce sont ces rubriques qui ont suscité un tollé: le policier est invité à cliquer par exemple sur "mineur en fugue", "sans domicile fixe", "personne âgée", "permanent syndical", "membre d'une secte", "transsexuel" ou "homosexuel".
La ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a affirmé mardi, lors d'un déplacement dans les Yvelines, que ce logiciel ne présentait "aucun risque d'attenter à quelque liberté que ce soit".
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a annoncé avoir demandé à la ministre des "précisions" et des "éclaircissements", lui rapelant "que la Cnil devra émettre un avis préalable à la mise en place de l'application" de ce fichier actuellement testé par la police.
Lundi, le Collectif contre l'homophobie avait indiqué avoir saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) et la Cnil, jugeant le logiciel litigieux.
Selon lui, il permettrait de rentrer des renseignements personnels sur toute personne ayant un contact avec la police dans une procédure.
ll s'est ainsi déclaré "particulièrement inquiet" face "au risque de constitution de fichiers catégoriels" s'inquiétant de "dérives".
Michel Navion, avocat de SOS homophobie, a déclaré mardi qu'il "ne peut s'empêcher de rapprocher (ce fichier) avec une tendance que l'on voit aujourd'hui proche des intégristes religieux, des sectaires de tous poils, qui font partie plus ou moins de l'entourage du président de la République".
Alliance (second syndicat de gardiens de la paix) a "exigé" que le nouveau logiciel police "soit amélioré" et en a appelé au ministre de l'Intérieur, tout comme l'Unsa-police (premier syndicat) qui s'est dite "attachée au respect de la vie privée".
Pour Alliance, le logiciel "ne doit pas remettre en cause les droits fondamentaux des personnes" et "mettre en porte-à-faux les policiers".
Il s'agit d'une "version provisoire", selon lui, et il "exige" qu'elle "soit améliorée afin que certaines indications (...) n'amènent pas à un usage discriminatoire".
Synergie (second syndicat d'officiers de police) a de son côté indiqué "ne pas être choqué".
La liste des données personnelles qui seraient saisies dans "Ardoise" a été validée par la Cnil dans un avis de décembre 2000 relatif au fichier actuellement utilisé par la police, le Stic (Système de traitement informatisé des infractions criminelles), a indiqué le ministère de l'Intérieur dans un communiqué.
Le logiciel "Ardoise", selon lui, va remplacer l'actuel logiciel de rédaction des procédures (LRP). Il sera inclus dans le futur fichier "Ariane", commun aux services de police et de gendarmerie, actuellement en phase de test, a ajouté l'Intérieur.
"Ariane" et "Ardoise" sont appelés à intégrer les mêmes informations que celles saisies dans le Stic --lui-même souvent l'objet de critiques d'associations ou de la Cnil-- à partir des procédures établies avec le LRP, a-t-il poursuivi.
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