«Je suis transsexuelle, bolivienne et juive. De multiples facettes forment mon identité. Je veux être acceptée en tant que telle.» Un cri poussé par une
militante lors de la première journée, consacrée aux droits des personnes transsexuelles[1], de la 23e conférence mondiale de l'Association internationale des gays et lesbiennes (ILGA). Hier,
au Centre de conférences de Genève, une soixantaine d'activistes venus de divers pays étaient réunis autour des enjeux sociaux, légaux et médicaux liés aux droits des minorités transgenres.
De l'état des lieux mondial effectué en matinée, il ressort que ces droits ne sont pas, ou que très partiellement, reconnus. Inaccessibilité des services de santé, discrimination et répression
sociales, obstacles juridiques relatifs au changement légal d'identité... Autant de difficultés auxquelles se heurtent les personnes transsexuelles.
Quand elles existent, les procédures juridiques se basent le plus souvent sur un diagnostic de maladie mentale. Or, rappelle le Dr Sam Winter, du Centre de recherche asiatique sur le
transgendérisme de l'Université de Hong-Kong, «le transsexualisme est un aspect de la diversité humaine, pas un désordre mental». Ce dernier établit d'ailleurs une relation claire entre la
pathologisation des populations transgenres et le déni de leurs droits: «En Asie, les transsexuels, bannis jusqu'à peu, ne reçoivent aucune aide. Et les actuelles améliorations n'empêchent pas
la police de commettre les pires abus. En Thaïlande, en Malaisie, aux Philippines, on pratique la chasse au transsexuel dans la rue.» Par ailleurs, poursuit le chercheur, ces gouvernements ne
disposent pas de législation antidiscrimination. Ainsi, en Thaïlande, pays considéré comme l'un des plus progressistes d'Asie, une règle tacite consiste à ne pas engager les transsexuels comme
maîtres d'école.
En Amérique latine, les minorités transgenres ne sont pas mieux loties. Les gouvernements s'appuient sur les pouvoirs locaux qui édictent des lois «morales», assure Lohana Berkins, militante
argentine pour les droits des transsexuels. Si bien qu'une personne peut être «cueillie» dans un supermarché et emmenée au poste. «Là, soit elle donne de l'argent, soit elle a de gros
problèmes.» A savoir pressions psychologiques, voire outrages physiques.
Sans identité, les personnes transgenres vivent illégalement. Sous la pression sociale, elles doivent abandonner très tôt leur scolarité. Ce manque de formation vient s'ajouter à la
stigmatisation lorsqu'il s'agit de trouver travail et logement. Si bien que, à 8 ou 13 ans déjà[2], beaucoup de jeunes, rejetés de leur domicile, se retrouvent en marge de la société... Et, une
fois à la rue, ils n'ont pas d'autre choix que de recourir à la prostitution. «Dans un contexte de mécanismes fondamentalistes, analyse Lohana Berkins, l'Union européenne et les Etats-Unis ont
un très gros impact. Or, les Etats-Unis privent de fonds des organisations comme ONUSIDA, si cet argent sert des projets ayant un quelconque rapport à l'avortement ou aux droits des
transgenres... Les besoins en éducation de l'ensemble de la société sont flagrants.»
«D'où l'urgente nécessité de construire des résolutions à l'échelle internationale», résumaient hier, en choeur, les participants. Qui devaient, l'après-midi, plancher sur une déclaration
destinée à l'ONU. I
Note : [1] L'assimilation du transsexualisme à une forme d'«homosexualité poussée à son extrême» est erronée. Homo, bi et hétérosexualité sont des formes d'orientation sexuelle (être
attirée-e par une personne du même sexe ou de sexe différent). Le transsexualisme –ou transgendérisme– relève du concept d'identité de genre (se sentir homme ou femme, ou de genre
intermédiaire) indépendamment de son sexe biologique. En résumé, les personnes transgenres se retrouvent tant parmi les hétéro, les bi que les homosexuel-le-s.
CORINNE AUBLANC