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[interview] Antony & The Johnsons: «La nature ne nous juge pas»

INTERVIEW à lire sur 20minutes.fr, 19.01.09
Revues de presse et de blogs par une journaliste transgenre qui traite de la TRANSIDENTITE (appelée improprement "transsexualité").Le blog "Différences" est devenu aujourd'hui une REFERENCE FRANCOPHONE sur la TRANSIDENTITE
8 Avril 2009
Si Antony Hegarty est un oiseau, comme l'affirmait le titre de son précédent album (I Am a Bird Now), il s'agit probablement d'un albatros. Avec sa voix de ténor androgyne en guise d'ailes immenses, ce New-Yorkais d'origine britannique plane tel un ange immaculé au-dessus de la pop. En créature baudelairienne, le chanteur du groupe Antony & the Johnsons redescend sur terre dans le corps d'un géant rond et malhabile. Un peu comme si la délicatesse de Barbara était prisonnière de la corpulence d'un rugbyman poupin.
Ce matin, il a changé de pied-à-terre parisien après une nuit tourmentée dans une ancienne maison close de Pigalle transformée en hôtel branché. Impossible de dormir dans cette chambre décorée de femmes nues et d'images trash. "J'aime le dépouillement", insiste ce nounours de 37 ans au regard d'enfant. "Chez moi, tout est propre, épuré, apaisant."
Il fut un temps où la décadence effrayait moins celui qui s'affirma d'abord comme figure culte de l'underground new-yorkais. Scintillante de légendes artistiques, la Grosse Pomme avait attiré le jeune homme, après une enfance passée en Angleterre, aux Pays-Bas, puis dans une petite ville du nord de la Californie. Vingt-cinq ans avant, il aurait pu fréquenter la Factory, l'atelier d'Andy Warhol à New York, inspirer à Lou Reed le travesti de Walk on the Wild Side.
Aux débuts des années 1990, il trouve pourtant sa voie dans une cité encore accueillante avec la marginalité. "J'ai toujours voulu vivre à New York", s'enthousiasme Antony. Avec des amis drag-queens et autres agitateurs des transgressions noctambules, le jeune homme forme une petite troupe, les Blacklips, avec laquelle il monte des performances dans des boîtes de nuit, des pièces de théâtre expérimental dans des cabarets. A l'occasion, Antony se fait gogo dancer. "A la fin de ces spectacles, je trouvais toujours le moyen de chanter une de mes chansons."
Il a compris très tôt que sa voix pouvait être le moteur de son élévation, l'outil qui lui permettrait de s'extirper de sa chrysalide. Il aime se perdre dans l'impalpable poésie de la musique, conscient d'un espace de liberté sans lequel il n'aurait pu transcender son quotidien. "Cela a toujours été là, comme une bénédiction, comme une clé offerte par les dieux pour t'aider à aller plus loin que si tu avais été laissé à ton propre sort."
Le chant lui permet aussi d'incarner une identité dont il s'est aperçu depuis l'enfance qu'elle échappait aux normes. Fils d'une photographe et d'un ingénieur, Antony se découvre une sensibilité qui le singularise rapidement de ses petits camarades. "Pas facile de grandir dans une société patriarcale et misogyne, qui dévalorise la féminité, explique le chanteur. Pourtant un enfant transgenre est une récompense pour une famille, l'occasion de donner une perspective nouvelle au rôle du père et de la mère."
S'il conteste fortement le titre d'"icône gay", celui qui, en 2006, dans un spectacle, Turning, avait mis en scène la transsexualité avec le vidéaste Charles Atlas espère pouvoir aider les jeunes gens troublés par leur propre indétermination. Jeune adolescent, Antony avait été soulagé de découvrir dans la pop du début des années 1980 et des personnalités comme Boy George ou Marc Almond une incarnation musicale de ses ambiguïtés. Certains de ces héros d'adolescence sont devenus des amis, qui l'ont parrainé au-delà de ses espérances.
En 2005, avec son deuxième album, Antony Hegarty, encore inconnu, peut ainsi se vanter d'accueillir des invités aussi prestigieux que Lou Reed, Rufus Wainwright, Boy George ou Devendra Banhart. Entre soul et musique de chambre, les Johnsons y livrent des chansons intimes et déchirées où ce drôle d'oiseau se rêve Nina Simone ou Billie Holiday.
Quelques mois après une sortie relativement confidentielle sur un petit label canadien (Secretly Canadian), I Am a Bird Now va se transformer en un phénomène inattendu de la critique et commercial, avec près d'un million d'albums vendus.
L'ancienne mascotte de l'underground de Manhattan devient une diva à la fois populaire et bohème, qu'il est du meilleur goût de citer en référence ou d'inviter en studio.
Des collaborations se succèdent avec Bryan Ferry, Marianne Faithfull, Laurie Anderson, à nouveau Lou Reed, Björk... Après leurs duos sur son album Volta, cette dernière commentait : "J'appréhende la musique comme de l'algèbre, Antony est à l'opposé, plus ésotérique. Il a l'impression que ses ancêtres chantent à travers lui."
Pour Riccardo Tisci - styliste de Givenchy, qui a dessiné des habits de scène pour Hegarty, que l'on verra sans doute lors de ses concerts en France (le 9 avril à Paris, à l'Olympia, le 21 juillet à Lyon) -, "la force d'Antony est de mêler à la fois la modernité et les voix du passé, de concentrer une émotion faite d'un romantisme sombre et de la de la fragilité de l'enfance".
Sorti en janvier 2009, un nouvel album, The Crying Light, a creusé cette intensité mélancolique, entre part d'ombre et pureté de cristal, accompagnée de piano, vents et cordes frissonnants. "L'urgence de cette voix, analyse le compositeur Nico Muhly, arrangeur de plusieurs titres de l'album, vient de ce vibrato qui semble toujours sur le point de perdre le contrôle."
Sur la pochette d'I Am a Bird Now figurait Candy Darling, blonde égérie warholienne (née homme sous le nom de James Lawrence Slattery) photographiée sur son lit d'hôpital par Peter Hujar, quelques semaines avant qu'elle ne soit emportée par une leucémie. Celle de The Crying Light est illustrée de la photo d'un vieux danseur japonais habillé en femme. Cofondateur du butô, ou "danse des ténèbres", Kazuo Ohno (aujourd'hui âgé de 102 ans) est l'un des héros du New-Yorkais. A 16 ans, le chanteur avait accroché dans sa chambre un poster du maître nippon, maquillé de blanc, en robe victorienne, posant devant une photo de Sarah Bernhardt. "Je croyais qu'il s'agissait de la muse d'un photographe."
Quelques années plus tard, il découvre dans un documentaire que cette femme est un homme dont l'art va le bouleverser. "J'ai étudié ses textes, en essayant de transposer pour le chant ce qu'il a fait en dansant." Influencé par les lectures de Mishima, Genet ou du marquis de Sade, marqué par l'holocauste nucléaire, Kazuo Ohno a commencé à danser en solo à plus de 70 ans, incarnant avec une énergie primitive une danseuse argentine, le fantôme de sa mère, une fleur, un oiseau, les molécules d'un torrent...
"Au lieu de me contenter d'une approche structurelle du chant - soulever le diaphragme, serrer tel muscle, créer une caisse de résonance -, j'ai cherché à libérer ma voix en suscitant des images créatives en phase avec la façon dont Ohno s'identifiait aux éléments naturels." Un processus artistique, affirme Antony Hegarty, qui encourage un dialogue avec la nature, une démarche écologique.
1971
Naissance à Chichester, Sussex, Angleterre.
1981
S'installe en Californie avec ses parents.
1990
Déménage à New York.
2000
Sortie de l'album, "Antony and the Johnsons".
2005
"I Am a Bird Now" (Mercury Prize 2005) est un succès avec plus d'un million d'exemplaires vendus.
2009
Sortie de "The Crying Light". Concert à Paris (le 9 avril au Grand Rex).
lien de l'article : http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/04/07/antony-hegarty-ange-de-la-pop_1177759_3246.html
Antony, chanteur transgenre à la morosité sublimée
Le succès rencontré il y a quatre ans par l'opus "I Am a Bird Now" d'Antony and the Johnsons en avait surpris plus d'un. Pourtant, force était de constater que la voix androgyne d'Antony, chanteur anglais exilé à New York, distillait une substance à la toxicité intemporelle, addictive à souhait.
Même les oreilles les plus récalcitrantes à ce timbre de crooner soul et romantique, jamais loin du pathos larmoyant - sans y plonger pour autant - ont fini par
abdiquer. Des ingrédients similaires se retrouvent aujourd'hui sur "The Crying Light", mais compactés dans un cocon plus
intimiste et minimaliste. A l'instar de titres envoûtants tels que le lyrique "Everglade" ou le confiné "Daylight and the Sun", le fils spirituel de Nina Simone et Bryan Ferry livre une fois
encore sa souffrance d'être hors normes et sublime sa mélancolie. Un disque profond et touchant. YC/ATC-TLC.com - source : ToutLeCD - Photo: DR
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