PRESENTATION -
INTERVIEWS - CRITIQUES - ACTUALITES (médias, librairies, récompenses)
Résumé
Il
est question de Juliette, de sa colocataire, de ses copines, de Tours, de sa mère, d’un chat (il s’appelle Marilyn), de la féminité, de ce que ça veut dire : être une femme, devenir une femme
(si on y arrive), comment et pourquoi.(page créée le 7 janvier 2009 et mise à jour régulièrement - dernière mise à
jour le 3 mai 2009)
Critiques choisies
"Un témoignage brut de décoffrage, cru et poignant." [La Voix du Nord]
"
Juliette Jourdan mène d’une écriture chantante et raffinée ce premier roman partiellement autobiographique et
complètement enthousiasmant. Le Choix de Juliette fait le portrait collectif d’une communauté méconnue et mal jugée en marche vers sa normalité" (Salomé
Kiner,
ARTE)
"Un beau témoignage, ce travail écrit pour avoir une licence, et qui s’avère un
vrai livre courageux. Et une belle écriture !" [Alice Granger, e-litterature.net, 16
février 2009]
"A travers le regard critique d’une étudiante un peu paumée,
Juliette Jourdan y décrit avec un humour pince sans
rire et un naturel inattendu, la communauté de transsexuelles de Tours, sans une once d’une vulgarité. Au cours d’un colloque haut en couleur, les débats
s’enveniment autour de la question de la féminité. Est-elle innée ou acquise ? Là aussi,
le désespoir de ces femmes
blessées vous étreint le cœur." [Emmanuelle de Boysson, "
Femmes en souffrance",
www.femmes.com, 27.03.2009]
"Entre rires et larmes, ce premier roman, à l’écriture naturelle, sans concession et plein de tendresse, rend
ces trans terriblement humaines et attachantes" [Commentaire posté par Emmanuelle de Boysson sur
ma webdromadaire]
"S'il n'évite pas certains clichés, le premier roman de Juliette Jourdan est fort
sympathique et instructif. Les amateurs se laisseront tenter par cette chick lit trans..." (Têtu, février 2009) [source : Blog de Juliette
Jourdan]
Marie, de la librairie L'Eternel retour, à Paris XVIIIème : "Ce roman qui est dans le récit le journal intime de Juliette nous fait pourtant rapidement entrer dans un dialogue, celle-ci suscitant au fur et à mesure chez le
lecteur les questions auxquelles elle répondra de manière fine et parfois inattendue. Un dialogue riche dont elle sait déjouer les écueils attendus
et dont la légèreté de ton, au départ déconcertante, n'est que le reflet d'un style dont le vertige existentiel et l'humour comme issue en sont la muse.
Une belle rencontre." Lire l'article de Marie dans son intégralité."
"
Bienvenue dans le monde des “she-males” :
la fiction
française ne s’était (à ma connaissance) jamais aventurée dans un terrain aussi casse-gueule. Juliette Jourdan y rentre pourtant de plein fouet, en jouant la carte du romanesque,
parfois de la futilité qui le dispute à la gravité des situations que connaissent ces nouvelles femmes qui veulent une seule chose finalement : la reconnaissance.
Et elle réussit son pari." (Jean-François Lahorgue,
Benzine Magazine)
"
Ce qui me frappe, dans ce livre, c'est à quel point ce sont les transsexuelles elles-mêmes qui disent le mieux comment la réponse à la
question " qu'est-ce qu'une fille" s'échappe toujours" Alice Granger-Guitard,
Exigence littérature,
16 février 2009
"Un rendez-vous à ne pas manquer
!" Julien Canaux
dans Zone
littéraire, 30 mars 2009
"Le Choix de Juliette" de Juliette
Jourdan
La scène se passe à Tours. Tours, patrimoniale et calfeutrée ; Tours : La Mecque de la rente fixe et du gorgeon gouleyant. Raté, brave homme : pour Juliette
Jourdan, Tours c’est "La Mecque des transsexuelles". Et puisque Balzac il y a, ce que nous offre l’auteur, dans ce roman sanguin et scintillant, c’est l’"envers de (son) histoire
contemporaine" : ville nocturne, louvoyante, brutale et apeurante. "Quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre" dit - on dans Nosferatu : passé d’un sexe
à l’autre, d’une rive du corps à l’autre, on voit accourir de bien terribles spectres faits de regards graveleux et de gestes furieux, de désirs coups de poing et de maquillages
tremblés, d’hémorragies soudaines et d’angoisses subites. Tout à refaire chaque jour, chaque heure, avec l’aide précaire de la trousse à pilules, des corps amis, proches, soumis à la
même lutte. Un petit monde offert et secret, en route vers ce paradis lointain : une journée ordinaire dans un monde banal. Tour de chant, partouze ou colloque tribal, profession
de foi ou confession en musique : rien jamais de définitif. Corps précaire dans l’"épouvantable douceur de la nuit", trompe- l’oeil et château de cartes.
Le monde de la transsexualité au quotidien nous est ici livré par Juliette Jourdan dans un roman où le souci de témoigner s’épanouit dans le "mentir-vrai" du
récit : "J’ai pensé : c’est donc ça ma vie ? Je ne la vis pas ; ce n’est que du temps qui passe en moi. Pourquoi ?" Dont acte.
"Le Choix de Juliette" de
Juliette Jourdan - Le Dilettante,
2009 ISBN : 978-2-84263-167-3
source :
bibliosurf.com
- Parution : janvier 2009 - Format : 14x20.5 cm - Couverture : Amélie Doistau
Prix : 22€
Extrait
J’ai mis du khôl sur mes paupières, du rouge Dolce Vita sur mes lèvres (le numéro 014 de Dior). Ça faisait femme.
Enfin... presque...
Quand sait-on pour de bon si on est une femme ?
Quand sait-on qu’on est enfin soi-même ?
Morceau choisi
- Tu es orgasmique ? Moi, je préfère te le dire tout de suite, c'est zéro.Ce connard m'a complètement ratée. Un Thailandais, soi-disant une sommité mondiale. Tu
verrais le travail. Pour pisser, même assise sur la lunette des W-C,j'arrive à arroser par terre. Tire bien ton trait d'eye-liner, ma puce. Il ne faut pas avoir peur d'en mettre : le fard à
paupières, tu peux en rajouter. N'aie pas peur.J'avais demandé un clitoris normal, fonctionnel, [... ]
- page : 81 - éditeur : Le Dilettante - date d'édition : 2009
critiques
Le choix de Juliette de Juliette Jourdan
par Salomé Kiner, ARTE
Juliette a vingt ans et de grands pieds. Elle habite à Tours, « La Mecque des transexuelles », la capitale du transgenre, le paradis en creux des MtF
(Male to Female).
Entre deux agressions sexuelles maîtrisées, elle enchaîne les petits boulots, galère à la fac et soigne ses rapports familiaux.
« Zaza », sa coloc’, prépare un colloque international sur la trans-identité. Sa collègue Betty se shoote pendant que Zenaïde, plantureuse jet-setteuse à la retraite, lui enseigne les
rudiments de la féminité.
Dans ce quartier historique à la fois convivial et dangereux, les plaisirs simples des uns cohabitent avec les déviances psychiatriques des autres, et les combats font parfois place à la
solitude et au désespoir.
Juliette Jourdan mène d’une écriture chantante et raffinée ce premier roman partiellement autobiographique et complètement
enthousiasmant.
Loin des clichés et de la sécheresse des discours militants, elle montre des femmes qui n’ont d’artificiel que leur sexe physique, des êtres humains en quête d’harmonie et en lutte contre
leurs propres doutes.
Sur fond de recettes de pizzas, de bouquets de roses et de néo-clitoris,
Le Choix de Juliette fait le portrait collectif d’une communauté
méconnue et mal jugée en marche vers sa normalité.
Le Choix de Juliette
de Juliette Jourdan
Editions Le Dilettante, janvier 09
347 pages / 22 €
Tours. Ses ruelles médiévales, son centre ancien, ses places majestueuses, son caractère bourgeois et “royal”, ses bords de Loire
sublimes, et…ses transexuelles. C’est effectivement dans cette grande ville provinciale, tranquille et quelque peu hautaine, qu’a décidé de s’installer une assez grande communauté d’hommes
ayant choisi de changer de sexe, de peau, et, de fait, d’identité sexuelle et sociale. Juliette y vit en colocation avec Zaza, militante acharnée d’une association pour la reconnaissance
des “T-girls” et qui prépare pour l’Université un grand colloque sur les transidentités. Autour de ces deux demoiselles gravitent nombre d’ami(e)s, d’ennemis, de passion, de jalousie, de
violence, de rires, et de déprimes.
Bienvenue dans le monde des “she-males” : la fiction française ne s’était (à ma connaissance) jamais aventurée dans un terrain aussi casse-gueule. Juliette Jourdan y rentre pourtant
de plein fouet, en jouant la carte du romanesque, parfois de la futilité qui le dispute à la gravité des situations que connaissent ces nouvelles femmes qui veulent une seule chose
finalement : la reconnaissance. Et elle réussit son pari.
Car loin de l’auteur l’idée de faire de son ouvrage une thèse sur ce sujet encore un peu tabou, aucune trace d’un quelconque militantisme forcené à sa lecture, et il n’est pas non plus
question ici de lire un journal intime inintéressant sur une transexuelle qui a du mal à s’assumer : Le choix de Juliette a le bon goût de mélanger les genres sans céder au
pensum ennuyeux, on y trouve des pincées de conversations coquines saupoudrées des dernières tendances mode empruntées à Sex and the city, on y touve également de véritables
morceaux de bravoure, sanglants et tragiques, qui vous prennent aux tripes, et des moments doux et bleutés, quand les filles ont du vague-à-l’âme et des idées trop noires, un peu
comme tout le monde quoi. C’est un vrai roman sur Tours, un vrai roman de filles, un roman vrai.
Et si la fin paraît un peu ennuyeuse, notamment dans les détails du colloque qui font virer le livre au documentaire trop explicatif, c’est parce que jusque-là, Juliette Jourdan aura
parfaitement fait oublier la singularité de ses personnages, de ces “Male-to-Female” : elles sont “human after all”, ce que ne renierait pas les Daft Punk.
lien direct : http://www.benzinemag.net/2009/01/26/le-choix-de-juliette-de-juliette-jourdan/
a chroniqué Le Choix de Juliette dans Femmes.com : "A travers le regard critique d’une étudiante un peu paumée, Juliette Jourdan y décrit avec
un humour pince sans rire et un naturel inattendu, la communauté
de transsexuelles de Tours, sans une once d’une vulgarité. Au cours d’un colloque haut en couleur, les débats s’enveniment autour de la question de la féminité. Est-elle innée ou acquise ? Là aussi, le
désespoir de ces femmes blessées vous étreint le cœur."
"Ils sont bien rares, les romans où la question de la trans-identité n’est pas traitée soit de manière tragique, soit sur le mode du sensationnel… Pour son premier ouvrage, Juliette Jourdan
s’est attelée à créer une série de personnages attachants, dans une intrigue on ne peut plus
passionnante. Une bouffée d’air frais dans la littérature trans!
Le Choix de Juliette, c’est un peu « Sex and the
city » catapulté dans la ville de Tours – la crudité des propos en moins.
Ses protagonistes sont toutes des filles bien en phase avec leur époque, et les aventures qu’elles traversent n’ont rien à envier, finalement, aux intrigues des Carrie, Samantha, Miranda et
autres Charlotte… Peut-être ont-elles simplement des considérations existentielles un peu plus poussées. Peut-être ne s’enferment-elles pas uniquement dans un univers de make-up, de talons
hauts et d’intrigues amoureuses... Quoique. L’apparence et l’image sont des notions importantes, pour les filles de Juliette Jourdan… Ô combien déterminantes, même, parfois.
Dans Le Choix de Juliette, il est question d’identité au sens large : dans cette jolie ville de Tours, où parait-il la langue française est la plus pure, on se cherche et on se
rejette, on s’aime et on se fuit… Les filles de Juliette Jourdan sont transgenres, transsexuelles ; elles se définissent aussi bien comme femmes que comme MtF (« male to female »), shemales,
T-Girls… Fières et modernes, elles font corps avec leur vie, elles s’inscrivent dans le réel. Et on est bien loin du pathos de certaines fictions – le plus souvent télévisuelles – ou de
certaines émissions joliment racoleuses et complètement destructrices pour la communauté transgenre… Juliette Jourdan a su conférer une réelle consistance à ses personnages.
Depuis une trentaine d’année, les
femmes trans (beaucoup plus que les garçons trans, qui sont, eux, invisibles), sont tour à tour montrées dans les médias comme des créatures supersexuelles, des personnages tragiques, des
victimes noyées dans une noirceur sans fin… Dans la vie réelle, depuis des décennies, des hommes et des femmes se construisent et finissent par vivre dans leur genre de préférence.
Dans ce chouette roman, on est enfin à des milliards de kilomètres des lieux
communs à la sauce Almodóvar – passionnants en tant que tels, mais tellement limités aussi!
Alors il faut le dire d’emblée, et faire passer le mot… Juliette Jourdan a une vraie plume. Son
talent provoque une lecture avide. Une promesse de bon moment, en somme… Et un choix de lecture judicieux. Un rendez-vous à ne pas manquer !" Julien Canaux dans Zone littéraire, 30 mars 2009
[INTERVIEW] «La transsexualité est encore associée à un trouble de l'identité sexuelle»
Femmes en souffrance
Christine Sallès, dans Psychologies d'avril, parle d'un roman "étonnant", "dérangeant". "Un livre," dit-elle,
"qui pose avec pertinence et talent la question de la féminité."
Emmanuelle de Boysson
Juliette Jourdan, auteur du livre «Le choix de Juliette» (Ed. Le Dilettante), qui aborde la transsexualité
E. DROUARD / 20MINUTES.FR
Propos recueillis par Sandrine Cochard, 20minutes.fr, le 07.01.09
INTERVIEW - Juliette Jourdan publie mercredi son premier roman, «Le choix de Juliette» (Ed. Le Dilettante). Une exploration de la transsexualité obsédée par la normalité.
Si elle avoue volontiers se livrer dans chaque personnage de son premier roman, plusieurs tabous taraudent encore Juliette Jourdan. Elle refuse ainsi
d’évoquer son passé et sa propre transition d’homme à femme, tout comme la réaction de ses proches à son changement de genre. L’écrivain préfère aborder les difficultés que rencontrent les
transsexuels au quotidien et dénonce le désintérêt des pouvoirs publics. Interview.
Il s’agit de votre premier roman. Pourquoi privilégier le romanesque au récit sur un sujet aussi personnel?
Je trouvais plus intéressant d’imaginer la vie d’une communauté, basée à Tours, que de détailler mon parcours. Il y a déjà eu des témoignages de transition. Je préfère sortir du schéma
individuel pour montrer que les transsexuels sont des personnes comme les autres, qui ont une vie normale, loin des stéréotypes de la prostitution ou du désordre psychique. Le recours au roman
me permet aussi de ne pas affronter certains problèmes à la première personne.
«Une femme trans, par définition, c’est une femme qui n’en est pas une», écrivez-vous. Le doute vous habite-t-il toujours?
Oui, il est toujours là. Même pour des personnes très bien intégrées, qui mènent une vie normale et sont peu confrontées à leur passé d’homme, ce doute intime remonte de temps en temps.
Parfois, on ne se sent pas à la hauteur de ce qu’on voudrait être. On sent aussi que l’on n’est plus ce que l’on était, donc on se sent un peu perdu entre deux identités. A ce moment-là,
l’apparence physique prend une importance démesurée, avec le sentiment que tout en dépend. Mais comme toutes les femmes, l’une aura besoin de passer trois heures à se préparer avant de sortir,
l’autre se contentera de quelques minutes.
Vous évoquez également les difficultés de certaines à «passer» d’un genre à l’autre…
Nous ne sommes pas égales physiquement et certaines ont besoin d’un traitement et d’une chirurgie plus lourds que d’autres. Autre difficulté: la modification de l’état civil. Il est très
compliqué de changer ses papiers d’identité car on se heurte à l’incompréhension. On sent qu’il n’y a pas de volonté de s’occuper de cette question. Or, lorsque nos papiers ne correspondent
plus à ce que nous sommes, notamment en période de transition qui peut durer plusieurs années, on ne peut pas trouver de travail, voter ou encore récupérer un courrier recommandé.
Comment faites-vous?
Je fais une procuration. Sinon, tout dépend de la façon dont je me présente aux autres: si j’ai vraiment envie de voter, je suis obligée de me travestir dans l’autre sens, ce qui représente une
grosse concession.
Pourquoi dites-vous que l’accès aux soins est très problématique en France?
Il y a un manque de formation du personnel médical et d’accompagnement de la personne transsexuelle. Un généraliste tombe souvent des nues et vous envoie devant un endocrinologue, qui n’a pas
forcément envie de s’occuper de vous, ou un gynécologue, qui peut être très gentil mais ne peut pas faire grand chose. Deux options s’offrent donc à vous: se débrouiller seul ou suivre le
parcours dit «officiel».
Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste?
La personne est suivie par une équipe officielle pluridisciplinaire dont les membres se sont autoproclamés spécialistes de la question. Or, c’est un parcours très psychiatrisé: il faut prouver
que vous n’êtes pas fou en se pliant à une psychothérapie imposée, avec un psychiatre que vous n’avez pas choisi. La transsexualité est encore associée à un trouble de l’identité sexuelle. Si
l’on vous juge sain d’esprit, on peut alors envisager un traitement hormonal et une opération de réassignation. Mais cette intervention est entourée de beaucoup de mystère en France, on ne
connaît pas les noms des médecins par exemple. Il est donc nécessaire de clarifier les choses. C’est un dispositif très encadré où la personne n’a pas ou peu son mot à dire. Au final, ce
dispositif a tendance à en décourager beaucoup. D’autant qu’il est possible de se faire opérer en Thaïlande pour un prix abordable ou de se procurer des hormones sur le Net. Mais est-ce normal
de devoir se résoudre à une opération à l’étranger?
Mercredi 25 mars à la Closerie des Lilas (Paris 6e), le Prix Lilas 2009 a été attribué au roman de Stéphanie Hochet pour Le combat
de l’amour et de la faim chez Fayard au 2eme tour de scrutin à 7 voix contre 6 pour le roman de Juliette
Jourdan Le Choix de Juliette aux éditions Le Dilettante.
Le Jury a manifesté son "soutien" au roman de Juliette Jourdan qui l'a "bouleversé" > REPORTAGE sur ma
webdromadaire.
Le Choix de Juliette faisait partie de la dernière sélection pour recevoir
le Prix Lilas
2009.
Le Choix de Juliette n'a pas reçu le Prix Lilas 2009, mais c'était à une voix près ! Bravo à Stéphanie Hochet, la lauréate, pour Combat de l'amour et
de la faim, et merci à Emmanuelle de Boysson pour son allocution chaleureuse lors de la remise du prix à la Closerie. Et une bise pour Amélie Nothomb qui, s'il faut en croire [le quotidien] Aujourd'hui (de ce jour, en page 33), "menaça de s’effondrer en larmes si Juliette Jourdan, figure de proue de la cause
transsexuelle, repartait bredouille"!!! (source : Le Choix de Juliette, 27 mars 2009)
Crée en 2007, le prix de la Closerie des Lilas, baptisé "Prix
Lilas", a pour originalité d'être un jury tournant et de couronner une romancière de langue française dont le livre paraît à la rentrée de janvier et mars. Sa vocation :
promouvoir la littérature féminine.
Le jury 2009 : Amélie Nothomb,
Elsa Zylberstein, Olivia Elkaïm, Nathalie Rheims, Josiane Savigneau, Laure Adler, Arielle Dombasle, Brigitte Kernel. Jury permanent : Emmanuelle de Boysson (présidente du jury), Tatiana de Rosnay (vice-présidente),
Carole Chrétiennot, Jessica Nelson, Stéphanie Janicot. (source : Le Blog du Prix Lilas)
Pour en savoir plus : Blog des Filles du Prix Lilas / Myspace et groupe sur
Facebook: "J'aime les filles du Prix Lilas".
Posté par Juliette sur son blog : Le Choix
de Juliette, vendredi 17 avril 2009
Bien sûr, ce n'est pas Madame Bovary, ni même Bonjour tristesse. C'est quand même plutôt bien. Je n'ai pas honte de mon livre, alors que
j'ai si souvent honte de moi-même. Honte de mon corps, honte d'exister. Mais pas du Choix de Juliette. J'ai bien travaillé. Je me suis appliquée. Je pense que je n'égalerai jamais
Stendhal, Virginia Wolf ou Truman Capote, ou Georges Perec, qui était si affreusement angoissé lui aussi qu'il a rédigé tout un livre sans utiliser une seule fois la lettre e, ou
Irmgard Keun, ou Christopher Isherwood, que j'aime tous parce qu'ils ont embelli ma vie, et qu'ils m'ont aidée, quand c'était pour moi si difficile, à ne pas m'arrêter, à ne pas baisser les
bras, à continuer. A ne pas accepter la défaite, même quand on n'y croit plus. A continuer.
Parce que Doris, dix-huit ans, seule dans Berlin en 1932, ne baisse pas les bras. Doris qui exprime tellement bien ce que je ressens, parce qu'elle l'a ressenti avant moi, de la même manière
que moi, cette déception, cette brûlure d'être soi, de n'être que ça: pauvre, pas belle, seule au monde. Doris à qui on a volé son chat pour le manger. Doris qui a dormi sur un banc et s'étonne
à son réveil d'être encore en vie. Doris, seule dans la grande ville frénétique et grimaçante qui bascule lentement dans la nuit et la peur.
Je suis capable de me conduire de façon tout à fait médiocre mais de temps en temps il faut que je sois une fille bien. Même si c'est complètement idiot.
Une phrase comme celle-là peut vous sauver la vie. Parce qu'on aime trop Doris pour la quitter.
On me reprochera peut-être de me comparer à Stendhal et à Capote. Je ne me compare pas. Ce n'est pas une question de talent ou de notoriété ou de nombre de volumes imprimés, c'est le
sentiment, ridicule bien entendu (tous les sentiments tendres paraissent ridicules) de faire partie du même club, de la même famille spirituelle. Tous ces artistes étaient des individus
souvent handicapés par leur personnalité, timides, solitaires, pas très équilibrés, comme moi. Et maintenant si je rencontre un jour Irmgard Keun ou Virginia Woolf, il me semble que même si
mon livre n'arrive pas à la cheville de la Jeune Fille en soie artificielle ou de Mrs. Dalloway (c'est d'ailleurs une expression assez bizarre, «n'arrive pas à la cheville»,
en parlant d'un livre), eh bien, il me semble que je peux leur faire la bise et me sentir un peu comme elles, appartenant à la même grande famille, comme s'il existait entre Virginia
et Irmgard et moi un lien, une parenté, qui nous réunit par delà toutes nos différences: nous écrivons des livres.
Ecrire un livre, raconter une histoire, donner vie à des personnages, cela veut dire surmonter sa paresse, sa lâcheté, faire l'effort d'être soi et d'aller vers les autres.
La création littéraire, c'est cela, je pense: un effort pour prendre sa place dans le monde et essayer de rejoindre les autres. Il y a un mystère dans la création littéraire et Homer Simpson
l'a fort bien résumé: si c'est difficile, pourquoi le faire? Pourquoi se donner tant de mal, alors que personne n'attend rien de vous? Que peut-on en attendre, d'un livre? Virginia
Woolf, qu'attendait-elle de Mrs. Dalloway? Qu'en a-t-elle reçu? Irmgard Keun pouvait-elle s'imaginer que soixante-dix ans plus tard sa petite Doris consolerait une fille du Vieux
Tours qui passait trop de temps à se regarder dans son miroir et à se promener sur les bords de Loire?
Virginia et Irmgard ne sauront jamais ce qu'elles m'ont apporté. C'est pour cela que je rêve d'une espèce de shangri-la où je pourrais les embrasser et leur offrir, à mon tour, mon
livre. (Pour le décor, j'imagine bien par exemple le salon de thé de la boutique Fauchon, place de la Madeleine.)
Je n'embrasserais peut-être pas Stendhal ou Perec, qui étaient barbus et fumaient la pipe; à la rigueur Isherwood (il était homosexuel). Mais ils font partie, eux aussi, de ma famille.
Pourquoi tel passage d'un livre aussi mince et en apparence aussi sec et neutre que Les Choses résonne-t-il si longuement en moi? Peut-être parce que le narrateur (ou la narratrice?)
n'a ni visage, ni identité, sexuelle ou autre, et ne porte jamais de jugement sur ce qu'il ou elle raconte. Pourquoi la lecture de Goodbye to Berlin m'a-t-elle tout appris de
l'écriture d'un roman? En le lisant, j'ai décidé que moi aussi, un jour, je raconterais mon séjour dans le Vieux Tours, comme Christopher a raconté le sien dans le Berlin pré-nazi, ce Berlin
des cabarets et des soupes populaires, du Dr Mabuse et de Magnus Hirshfeld. Je me souviens que je me demandais seulement: serai-je à la hauteur?
Quand je rencontrerai Christopher Isherwood, si bien sûr nos karmas le permettent, je lui donnerai mon livre à lire et lui poserai la question, franchement: Chris, honestly, does my
Juliette match your Goodbye to Berlin? Christopher, dites-moi, pensez-vous que mon Choix de Juliette est du même niveau que votre Goodbye? Et j'espère
qu'il me répondra, par exemple: Well, dear Juliette, well, hem, I must say, hem, it certainly was your finest hour... Et je serais contente. Enfin, je pense.
[interview] Interviewée par Julien Canaux, Juliette Jourdan déclare notamment : « En fait, les personnes transsexuelles
ne remettent pas en question le binarisme homme / femme de la société… Au contraire, il s’agit pour elles de trouver leur place dans la bonne case. Elles n’ont donc qu’un désir : être dans le
groupe des femmes… Ou vice versa ! Et chacun devrait être libre de s’auto-définir. » Aussi, à propos de l’activisme : "Farouchement opposée à toutes les formes existantes
de communautarisme, rien ne l’agace plus que les gens qui souhaitent imposer leur vision sans écouter les autres : « Il existe des clivages sociologiques, idéologiques et religieux dans
cette « communauté »… Si elle existe. Je suis contre les ghettos. Et il est difficile de trouver des porte-paroles tant les controverses et les conflits entre les personnes sont nombreux. Ce
n’est pas simple de faire une analyse de tout cela, mais il faudrait parvenir à une unité de réflexion, avec une petite base commune de revendications… » LIRE l'interview > Juliette Jourdan, muse
moderne, 21 juillet 2010.