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Différences (le blog de caphi consacré à la TRANSIDENTITE et l'INTERSEXUATION)

Revues de presse et de blogs par une journaliste transgenre qui traite de la TRANSIDENTITE (appelée improprement "transsexualité").Le blog "Différences" est devenu aujourd'hui une REFERENCE FRANCOPHONE sur la TRANSIDENTITE

[cinéma] Cannes / en sélection officielle d'Un certain regard : "Mourir comme un homme" : Tonia, transsexuelle catholique de Lisbonne en quête de paix identitaire

  Pour aller vite, on pourrait définir Mourir comme un homme, le très beau film de Joao Pedro Rodrigues, comme un mélodrame transgenre. La tragédie qui se joue ici touche un personnage nommé Tonia, transsexuelle catholique vieillissante, dont la vie de femme qu'elle s'était inventée est sur le point de s'arrêter. Supplantée, au cabaret de Lisbonne où elle se produit tous les soirs, par une sublime créature noire de la moitié de son âge, elle est menacée par la dégénérescence de ses implants mammaires. Ça peut paraître sordide, c'est tout le contraire.

Réalisé par l'auteur du sulfureux O Fantasma (2000) et du tonique Odete (2005), Mourir comme un homme est un film d'amour magnifique construit comme une succession de tableaux où rêve et réalité se confondent, où la comédie musicale le dispute à des scènes surréalistes du même tonneau que Céline et Julie vont en bateau de Rivette.

Le film s'ouvre sur un visage en train de se farder de couleurs treillis, enchaîne sur un plan d'araignée, puis sur un autre, nocturne : des soldats avançant silencieusement dans la jungle. On est en guerre, mais une guerre filmée comme un ballet sensuel et mystérieux, à la façon du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Soudain, les soldats ne sont plus que deux, se caressent, s'embrassent, s'accouplent sèchement contre un arbre. Séquence suivante, le couple est en lisière de la forêt, devant une maison où deux travestis font de la musique. L'un des soldats tire sur son camarade.

C'est Zé Maria, le fils de Tonia. Il a tué son compagnon "parce que c'était un sale pédé" et revient le dire à son père. Tonia est heureuse d'avoir eu un fils. Aujourd'hui, par amour pour un jeune garçon, elle veut changer de sexe, une opération que son médecin lui présente par un fabuleux jeu d'origami. Il transforme une feuille de papier pliée sous la forme d'un appareil génital masculin en un sexe féminin. Ce plan séquence brillant distille une note de comédie mordante qui court tout le long du film, l'arrachant au pathos qui guette.

Tonia se rêve plurielle dans un monde où chacun veut l'assigner à un rôle : père plutôt que mère, maîtresse plutôt qu'amant, brune plutôt que blonde. Héroïne moderne, elle affronte la violence qui l'assaille, fidèle à son idéalisme jusqu'au bout, quand une ultime pirouette identitaire lui apporte, enfin, la paix.

Isabelle Regnier, Le Monde du 24.05.09.

EN SÉLECTION OFFICIELLE - UN CERTAIN REGARD à Cannes 2009
Film portugais de Joao Pedro Rodrigues a vec Fernando Santos, Alexander David, Gonçalo Ferreira de Almeida. (2 h 13.) 
Panoramique (22-23 mai) Soyez incohérente, Mme Huppert !
 

Autre critique
De l’or pour les traves
Cabaret. Une élégie aux hommes qui se vivent en femmes.

Par OLIVIER SÉGURET, Libération
Rosa Filmes_mourir

Le rire n’est pas le seul propre de l’homme. Ce qui caractérise aussi l’humain, c’est le besoin archaïque, moderne, éternel qu’on lui parle de sa sexualité. De toutes ses sexualités. C’est pourquoi des histoires de cul peuvent retenir des salles entières et le cinéma dit pornographique suspendre les audiences dans le propre mystère de leur condition. Depuis qu’il s’est lancé dans le cinéma, c’est tout le programme de João Pedro Rodrigues qui, après O Fantasma et Odete, nous livre avec Mourir comme un homme le chant élégiaque d’une tradition qu’on pouvait craindre perdue : la beauté, la grandeur, la noblesse du travelo.

Bulle de grâce. Celui-ci s’appelle Tonia et n’est pas de première fraîcheur. Mettons quinqua. Il a eu autrefois un fils, mais partage désormais sa vie entre le cabaret décrépit où il se produit et un infernal jeune amant toxico, Rosário, qui l’aime mais le dépouille en toutes occasions. Un jour de promenade, ils pénètrent dans le domaine paradisiaque d’un couple de travestis superlatifs, qui semblent vivre dans une bulle de grâce, de littérature, d’élégance surannée et de distinction. Ce choc des mondes va briser quelque chose en Tonia, déjà fortement perturbé par ses contradictions. Comment franchir le Rubicon qui sépare le travesti du transsexuel lorsqu’on est, comme lui, catholique ? Comment transgresser l’ordre divin qui vous a fait homme lorsqu’on respecte son Dieu ?

L’une des principales sources d’inspiration revendiquées par Rodrigues pour ce film a été un extraordinaire livre américain de photos anonymes, Casa Susana, album de famille d’un type très spécial où sont rassemblés les clichés d’hommes cross-dressers, habillés en ménagères des années 50.

Luciole. Cette période est aussi celle du grand mélodrame hollywoodien, dont Sirk a été le prince, et c’est à sa façon un mélodrame sirkien que Rodrigues a réalisé là. Derniers feux d’une culture, dernière luciole d’une civilisation, le travesti a vécu comme une femme et veut aujourd’hui mourir comme un homme, c’est-à-dire en costume. On songe à Kipling, ou presque : «Tu seras un homme, ma fille.»

Mourir comme un homme de João Pedro Rodrigues avec Fernando Santos, Alexander David… 2 h 10. Sortie française inconnue.

lien de l'article : http://www.liberation.fr/cinema/0101568986-de-l-or-pour-les-traves 


Mourir comme un homme : fantaisie transsexuelle  
UN FILM DE JOAO PEDRO RODRIGUES

Le film s’ouvre sur une guerre, des soldats se pourchassent. Alors que deux ennemis sont face à face, plutôt que de s’entretuer ils s’adonnent à une sodomie des plus torrides. Un des deux soldats est le fils de Tonia, un transsexuel qui vit à Lisbonne et qui l’a plus ou moins abandonné. Tonia gagne sa vie en faisant des spectacles mais doit composer avec le fait qu’elle vieillit. Son compagnon, le jeune Rosario qui essaie de se sortir de ses problèmes de drogues, aimerait bien qu’il se fasse opérer pour devenir enfin la femme qu’il désire. Mais Tonia hésite. Très croyant, il/elle n’est pas persuadé de pouvoir aller jusqu’au bout de cette démarche…

Joao Pedro Rodrigues avait déjà marqué les esprits avec son premier long O fantasma (qui suivait les errances nocturnes torrides d’un jeune éboueur gay épris de latex) et Odete (déjà présenté à Cannes). Le voilà de retour avec ce portrait très attachant d’un transsexuel vieillissant perdu entre ses croyances, ses amours et son amour propre. Cinéaste attaché à la question de l’identité, de la sexualité, du genre, Rodrigues se plait également à déployer une réalisation entre réalisme parfois glauque et fantastique intrigant. Mourir comme un homme connaît un début un peu laborieux, flou. Mais au fil du récit nous pénétrons dans un univers aussi atypique que personnel et donc réjouissant. 

Tonia et Rosario vont se retrouver dans une forêt aux côtés de travestis hauts en couleurs. Ces moments poétiques et légèrement kitsch permettent au film de décoller et de se faire souvent émouvant. Le réalisateur aime ses personnages, ne les juge pas ou quand il le fait c’est pour mieux nous montrer par la suite que les choses les plus belles et les plus fortes ne sont pas décelables dès le premier regard. La relation sentimentale entre Tonia et Rosario pourra ainsi paraître bizarre au départ. Tonia trouve en Rosario l’étalon dont il fantasmait mais aussi un fils de substitution. Ce rapport qui aurait pu être malsain se révèle au final être une magnifique histoire d’amour.

Histoire de gens perdus face aux autres et face à eux-mêmes, entre parenthèse enchantée, regrets déchirants et aveux impossibles : Mourir comme un homme est une œuvre maîtrisée et souvent poignante.

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