Revues de presse et de blogs par une journaliste transgenre qui traite de la TRANSIDENTITE (appelée improprement "transsexualité").Le blog "Différences" est devenu aujourd'hui une REFERENCE FRANCOPHONE sur la TRANSIDENTITE
3 Mars 2009
Mauvais Genre, le premier livre d'Axel Léotard, vient de paraître. A travers ce récit, le photographe trans FTM (female to male) nous raconte son histoire. Celui d'une femme qui ne s'est jamais reconnue dans le sexe féminin que la nature lui a attribué à sa naissance. C'est l'histoire de l'homme qu'elle deviendra, d'une longue gestation et d'une auto-naissance dans une société qui laisse peu de place aux différences.
Mauvais Genre d'Axel Léotard, publié aux éditions Hugo & Cie, 168 pages, 16 euros.
http://www.tetu.com/actualites/culture/le-livre-coup-de-poing-dun-trans-ftm-14146
C'est l'histoire d'une femme qui ne s'est jamais sentie de sexe féminin, et qui deviendra homme. Mauvais Genre est le récit de sa
renaissance : le choix de la transition, les hormones, les opérations, les structures associatives... Jusqu'à devenir Gabriel. À travers ce personnage-fil rouge, Axel Léotard nous offre
un beau portrait de la communauté trans. Militant résolu, c'est à lui que l'on doit les trois minutes de silence de la Marche des fiertés qui, chaque année, rendent hommage aux malades
du sida. Il réussit cette fois la prouesse de signer un texte qui se lit comme un roman. Mais qui nous donne à voir comme un très bon documentaire, dont on sortirait plus riche et plus
instruit. On suit Gabriel à travers son univers sans une seule fois avoir envie de refermer le livre.
Mauvais genre est un récit, et non pas une autobiographie. Pourtant tu possèdes beaucoup de points communs avec Gabriel, le personnage principal : tu es trans,
photographe, tu as commencé ta transition à 33 ans... Oui, dans une certaine mesure, c'est mon histoire. Fiction et réalité sont mêlées, mais tout n'est pas autobiographique.
Je voulais avant tout présenter la communauté trans, le monde de la prostitution au bois de Boulogne, les trans françaises bien intégrées...
Qu'est-ce qui change quand on passe de femme à homme? Quand tu deviens un homme, d'un seul coup tout est plus facile! Obtenir un travail, un poste à responsabilité... Si tu affirmes quelque chose, ta légitimité est plus importante que si tu étais une femme. Y compris pour des femmes. Ce parcours m'a donc rendu encore plus féministe!
Pourquoi avoir écrit ce livre? J'ai lu tous les bouquins parus en France sur la question trans, mais il manquait certains éléments. Par exemple, je n'ai pas vu de livres qui parlent de la stérilisation forcée imposée aux trans. Pour obtenir son changement d'état civil, un homme qui devient femme doit obligatoirement subir une vaginoplastie, alors que tous ne veulent pas de cette opération. Dans le cas d'une fille qui transitionne vers le genre masculin, la phalloplastie n'est pas obligatoire -pour la simple et bonne raison que les chirurgiens français ne savent pas la faire! Mais on lui enlèvera l'utérus, les trompes et les ovaires. Environs 150 grammes d'organes. Je trouvais très important qu'un hétéro de base puisse lire ça.
Tu écris donc avant tout pour le grand public? Je crois qu'il faut tout dire et qu'il faut tout mettre à la portée du plus grand nombre. Ce qui m'intéresse c'est que monsieur et madame Tout-le-monde lisent ce livre, et pas comme quelque chose de spectaculaire ou de sulfureux. Je voulais qu'ils puissent s'imaginer que Gabriel soit leur voisin. Ou leur fils! Et si c'était leur fils, qu'ils se demandent s'ils auraient pu accepter que la société le traite de cette façon.
Tu abordes également la question du VIH dans la communauté trans. Les trans sont la catégorie de population la plus touchée par le VIH. Le taux de séroprévalence est de 1 sur 2 parmi les trans, et de 8 sur 10 dans la communauté des trans prostituées précaires. Paradoxalement, c'est une population pour laquelle il n'y a eu aucune campagne de prévention, et aucune étude épidémiologique. Tout est fait comme si nous n'existions pas. Par contre, il existe un protocole de prise en charge à l'hôpital public, qui est particulièrement violent.
Dans Mauvais genre, tu montres ce protocole à l'hôpital, mais aussi un parcours de prise en charge d'une personne trans dans le secteur privé. Le système médical est-il
à deux vitesses?
Oui, on a un système privé qui essaye grosso modo de se coller aux standards actuels de la WPATH, l'Association professionnelle mondiale pour la santé des transgenres, qui demande 3
mois de suivi psy maximum. Et un hôpital public qui est une véritable boucherie, et dont beaucoup de trans sortent broyés. Là, il y a deux ans de suivi psychiatrique. Et c'est seulement
au bout de cette très longue période que le psy va essayer de déterminer si le patient est bien trans, pour lui donner une hormonothérapie. Pourtant, quand un crime est commis,
l'expertise psy ne prend que de 1 à 3 mois...
Alors, que faudrait-il changer? Dans l'idéal, la consultation psychiatrique ne devrait pas durer plus de 3 mois. L'hormonothérapie devrait être possible avec, au cours
de celle-ci, un changement d'état civil. Et il faut arrêter les stérilisations, ou les réassignations sexuelles obligatoires. Ce sont des pratiques dignes des camps de la Seconde Guerre
mondiale.
source : Têtu
Récit d'une transition
La note:
Le récit, en partie autobiographique, d'Axel Léotard est d'un précieux secours pour renseigner sur la différence entre sexe, orientation
sexuelle et genre. Dans son témoignage, il fait simplement partager sa transition du genre féminin au genre masculin. Cette aventure menée en France par un trentenaire au
début du XXIe siècle est un repère précieux sur les évolutions mentales, sociales et médicales de ce pays.
Dans un style journalistique, ce jeune photographe qui sent qu'il n'est pas à sa place dans un corps de fille, relate sa démarche, ses engagements personnels, son combat pour obtenir
une reconnaissance officielle de sa masculinité. Une telle transition ne pouvant s'effectuer sans aide, il s'adresse à une association plus habituée à accompagner des hommes vers le
genre féminin que des filles vers le masculin. Il va devenir l'un des éléments les plus actifs de ce groupe transgenre qui apporte un soutien souvent vital à des êtres qui n'ont
parfois d'autre moyen de survie que la prostitution.
Son parcours médical rappellera forcément beaucoup de choses à ceux qui ont des relations régulières avec les médecins. Gabriel (puisque tel est le « prénom d'accueil » choisi par le
narrateur) veut simplement avoir un corps plus proche de son genre.
Pour cela, la loi lui impose de doit passer par la psychiatrie et la case « Sainte-Anne » avant de pouvoir soumettre son cas à la Justice … qui ne sera pas plus compréhensive que la
médecine, la France étant la lanterne rouge de l'Europe en ce domaine avec trente ans de retard.
La chirurgie ? Comme sexe et genre sont des notions distinctes, Gabriel se fera seulement refaire la poitrine : du côté des gonades, rien n'est au point ( les deux phalloplasties
françaises ayant abouti à deux chaises roulantes) et cela ne semble pas être d'une importance capitale pour lui. Un changement d'état civil femme vers homme est en revanche
obligatoirement lié à une stérilisation qu'il va subir.
Bien plus vital est le regard des autres : fuyant, insistant, inquisiteur, apitoyé, incrédule... il blesse. On perçoit avec ce passage du sexe dit faible à celui qui ose se prétendre
fort le machisme inconscient lié à toute forme de contact humain : avec des collègues de travail, au rayon jouets ou parfumerie d'un grand magasin rien n'est exactement pareil si la
personne qui s'adresse à vous est un homme ou une femme.
Axel ou Gabriel (peu importe : il lui faut simplement un prénom qui s'envole) a écrit le livre qu'il aurait aimé lire lorsqu'il avait seize ans. Il touchera
très certainement un public beaucoup plus large par la richesse et la force de son vécu.
par Spiderman, le 28
mars 2009
(Inscrit le 14 juin 2008, 46 ans) - source : CritiquesLibres.com - http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/19467