30 Octobre 2009
Depuis 2005, nous alertons les acteurs institutionnels de la lutte contre le sida sur la nécessité de mieux connaître, faire connaître et faire prendre en compte l’épidémie de sida parmi les personnes transexuelles et transgenres.
Cette enquête exploratoire, conçue et menée dans le cadre de la préparation de la rencontre organisée en juin 2007 sur les enjeux de santé des personnes trans, livre des résultats qui montrent la nécessité d’une action politique forte sur ces questions :
sur le dépistage : 21 % des personnes interrogées déclarent n’avoir jamais eu recours à un test ;
sur les comportements de prévention et les prises de risques par rapport au VIH : un nombre élevé de partenaires et une faible protection des relations sexuelles ;
sur la prévalence du VIH : 5,7 % des personnes interrogées seraient séropositives, soit une situation de crise sanitaire majeure selon les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé si l’on rapportait ce taux à un pays. Les quelques études menées dans le monde montrent que la prévalence du VIH se situe entre 15 et 40 % dans les communautés trans. On peut expliquer le chiffre relativement bas de l’enquête de 2007 par le mode de recrutement par internet, dont on peut supposer qu’il n’a pas permis d’atteindre des personnes très précarisées et éloignées du système de santé [1] ;
sur les discriminations dans l’accès aux soins : 20% des participantEs déclarent avoir renoncé à voir un médecin par crainte d’être discriminéEs du fait de leur transsexualité ;
sur les discriminations en général : 49% des participantEs ont subi une discrimination ou ont renoncé à un droit de peur de subir une discrimination du fait de leur transidentité.
Ces résultats confirment que les institutions sanitaires, les chercheurSEs, les soignantEs et les acteurTRICEs de la prévention doivent désormais s’impliquer dans une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des trans en matière de VIH/sida, en particulier en termes d’accès au système de santé ou de prise en charge médicale adaptée.
L’absence de reconnaissance juridique et sociale, la mainmise de la psychiatrie, les violences exercées contre les trans (y compris par les forces de l’ordre) et la discrimination marginalisent les trans et sont les complices de l’épidémie. En France, les trans réclament en vain, pour les personnes non opérées, un changement du numéro de sécurité de sociale à leur demande, ce qui faciliterait les rapport avec l’administration et le système de soins.
L’accès au système de soins et aux services de santé des personnes trans touchées par le VIH est un des défis les plus criants de leur prise en charge médicale. La méconnaissance des enjeux spécifiques des trans par les professionnels de santé est un obstacle majeur au développement d’actions de prévention ou d’accès aux soins de qualité, allié à un très fort sentiment, chez les personnes concernées, d’isolement et de stigmatisation de la part des soignantEs, qui va parfois jusqu’au refus de soins.
Avec les trans, l’épidémie de VIH/sida pose, une fois de plus, la question des droits des personnes. L’absence des trans des systèmes de surveillance épidémiologique et des programmes de santé publique, la quasi-inexistence de stratégies de prévention et de réduction des risques en direction des trans - en dehors du prisme du travail du sexe -, l’absence de prise en compte de leurs spécificités en matière de prise en charge médicale et, bien sûr, les problèmes d’estime de soi, de discrimination et de stigmatisation font obstacle à la prise en compte de leurs problèmes de santé.
A l’occasion de cette publication, Act Up-Paris exige :
le retrait du « transsexualisme » de la liste des maladies mentales ;
une véritable politique de lutte contre les discriminations fondées sur l’identité de genre ;
le droit au changement d’état civil des transgenres et l’obtention de papiers (carte d’identité, carte de sécurité sociale etc.) correspondant au genre qui est le leur, sans exiger pour cela une opération chirurgicale qu’ils ne souhaitent pas toujours subir ;
la réalisation d’enquêtes épidémiologiques chez les personnes trans, qui permettent de connaître leurs facteurs de risque de contamination par le VIH, leurs comportements et pratiques de prévention ainsi que la prévalence du VIH parmi elles ;
la réalisation d’études scientifiques permettant d’identifier et de prendre en compte les spécificité des trans séropositifVEs. Leur place dans les essais cliniques doit être promue, ainsi que des questionnements spécifiques, à commencer par les interactions entre les antirétroviraux et les traitements hormonaux ;
la réalisation d’études sur les besoins de santé des personnes trans ;
la conception d’action de préventions ciblées en direction des trans ;
l’élaboration de campagnes de sensibilisation des personnels soignants, afin d’améliorer l’accueil des trans dans les structures de soin et, ainsi, leur meilleure inscription dans un suivi médical de qualité.
[1] Rappelons qu’en matière de calcul de
la prévalence du VIH en France, un obstacle de taille demeure : il n’existe aucune donnée sur le nombre de personnes trans (transexuelles, transgenres), hormis celles des équipes
médicales « officielles » qui parlent de quelques centaines quand les associations l’estiment à 60 000.
Source/auteur : Act up transmis par HNS-info
Les associations de transsexuels et de lutte contre le sida et le Centre régional d’information et de prévention du sida (Crips) publient une première étude exploratoire décrivant la
situation sociale, les comportements sexuels et le recours aux soins des personnes trans.
L’étude a été réalisée auprès des 179 personnes ayant répondu à un questionnaire élaboré par le Crips et Act Up-Paris puis diffusé via Internet de mai à juin 2007. Les informations recueillies mettent en évidence des caractéristiques socio-économiques proches de la population générale, mais avec des modes de vie marqués par moins de vie de couple, moins d’activité sexuelle, plus de rapports sexuels associés à des échanges d’argent, des prises de risques plus importantes vis à vis du VIH, davantage de consommation de substances psychoactives.
Depuis l’ère du sida, la connaissance de la population homosexuelle masculine s’est améliorée notamment en matière de comportements sexuels et de compréhension de la construction identitaire, mais les associations de transsexuels et de lutte contre le sida pointent le manque de travaux sur la ou les populations qu’elles représentent. Le terme de transsexualité, sans définition clairement établie, recouvre des situations et des comportements variés chez des personnes qui ont en commun de se sentir en désaccord avec le sexe qui leur est assigné biologiquement à la naissance : transgenres, transsexuels, travestis, hommes se sentant femme ou l’inverse.
L’âge moyen des participants est de 39,6 ans. Plus de 93 % se sont définis par rapport aux notions de transsexuels (72,6 %) et de transgenres (54,8 %), 34,1 % répondant oui pour ces deux items (tableau 1). Parmi les participants, 41,9 % se déclarent hétérosexuels, 21,8 % homosexuels, 33,5 % ne se déclarent ni homosexuels ni hétérosexuels et 2,8 % se déclarent à la fois homosexuels et hétérosexuels. Orientation sexuelle et identité ne sont pas associées.
Cette enquête a notamment mis en évidence certaines particularités des comportements sexuels et préventifs :
Au cours des 12 derniers mois, 61 % des répondants ont eu
des rapports sexuels, et la moitié déclare avoir un partenaire principal.
Lorsque les répondants ont un partenaire principal, il s’agit d’une personne transsexuelle
dans 18,6 % des cas, d’un homme dans 30 % des cas et d’une femme dans 52 % des cas.
Parmi les répondants, 18,4 % rapportent des actes sexuels contre de l’argent, donné ou
reçu.
La proportion de répondants déclarant avoir eu des rapports sexuels dans les 12 mois
précédents diminue avec l’âge, passant de 75 % chez les moins de 30 ans à 32 % chez les plus de 50 ans.
Les personnes enquêtées déclarent en moyenne 4,4 partenaires dans les 12 derniers mois.
Une proportion importante des participants (82 %) déclare ne jamais utiliser de
préservatif pour les rapports bucco-génitaux et la moitié lors de rapports avec pénétration avec leur partenaire principal.
Bien que la différence ne soit pas significative, les personnes qui ont un homme pour
partenaire principal sont plus nombreuses à ne jamais avoir utilisé de préservatifs avec ce partenaire au cours des 12 derniers mois (72 % versus 64 % pour les personnes qui ont
pour partenaire principal une femme et 37 % pour celles qui ont pour partenaire principal une personne trans, p=0,07).
Le recours au test de dépistage du VIH dans les deux dernières années concerne 49,7 %
des participants, 29 % y ont eu recours antérieurement à cette période et 21 % n’ont jamais fait de test de dépistage. Sur l’ensemble de l’échantillon, 4,5 % se déclarent
séropositifs, 77,0 % se disent séronégatifs, 16,8 % ignorent leur statut sérologique et 1,7 % ne sont plus certains d’être séronégatifs.
Rapportés aux seuls participants qui ont eu au moins un test de dépistage au cours de la vie
(n = 141), le pourcentage se déclarant séropositifs serait de 5,7 %.
Dix-sept pour cent des participants déclarent avoir déjà eu une autre IST dans leur vie. Il
s’agit généralement d’infections à gonocoques ou d’herpès génital.
Cette enquête montre la faisabilité d’un recrutement par Internet pour atteindre une population cachée dont les caractéristiques sociales ont de nombreux points communs avec la population générale en terme d’âge, de proportion d’immigrés, de niveau d’étude et d’activité professionnelle, comme l’indique la comparaison avec l’Enquête décennale santé 2003 (EDS) réalisée en population générale.
Bien que l’infection à VIH semble plus présente dans la population trans que dans la population générale, en relation avec les prises de risques plus importantes, elle apparaît nettement moindre que dans la population gay. Ce résultat peut être lié à des comportements différents, notamment une diversité de partenaires moins importante dans la population enquêtée que dans la population homosexuelle masculine.
Le taux de séropositifs déclarés dans cette population socialement bien insérée est plus bas que ceux observés dans les études publiées dans d’autres pays
qui dépassent souvent 10 % .
http://femmesida.veille.inist.fr/spip.php?article629 - Rédigé le 2 juillet 2008
Source en ligne : BEH, 1er juillet 2008 / n°27