13 Juillet 2010
Philippe Ménard, l'événement
"PPP".
Parvis. Son corps en voyage
par Pierre Challier,
La dépêche,
20/01/2009
Elle s'appelle Philippe. Et ce prénom, elle le gardera. Un prénom, ce n'est pas le plus important… Car le plus important
pour une personne, ce n'est pas l'étiquette, par laquelle on vous appelle. C'est ce que l'on est. Profondément. Ce que l'on peut passer parfois des années, voire une vie à devenir. « Deviens ce
que tu es », disait Nietzsche par la voix de Zarathoustra ? Long voyage qu'elle a décidé de faire. Pour quitter ce qui la relie encore à l'identité de ses papiers, rejoindre enfin la femme
qu'elle est née. « Je suis une personne transgenre, je suis en train de changer de sexe », résume-t-elle… et ce qu'il faut savoir aussi, lorsqu'on aborde "PPP", que Philippe Ménard raconte donc
son cheminement, comment elle a « toujours travaillé sur l'identité, sur ce que c'est que de se créer une identité, d'être obligé de se travestir dans un monde d'hommes, voir en permanence
autre chose que ce que voient les hommes ou les femmes. » Et comment, en étant jongleur et en ayant travaillé 15 ans avec Jérôme Thomas, père du jonglage contemporain en Europe, elle en est
arrivée à concevoir ce spectacle : 120 épées de Damoclès en forme de boules de glace au-dessus de sa tête, chutant aléatoirement… Jongler avec la glace. Un choix en forme de manifeste, presque.
« Parce que la glace est une matière hostile mais qui se transforme », explique-t-elle, au cœur de sa propre métamorphose. Mais aussi parce qu'il s'agit d'une mise en danger inhabituelle dans
l'univers de la jonglerie où, par définition, la quille, la balle sont immuables mais où soudain, la glace elle, peut se briser. Et où le jongleur n'a donc « pas de deuxième chance, à l'instar
de celui qui a décidé d'assumer jusqu'au bout son identité », conclut-elle.
Philippe Ménard. Toute d'humanité. « Sans papiers inexpulsable » d'un pays où la loi et l'ordre moral la regardent encore d'un œil médiéval prompt à brûler la sorcière. A mi-chemin entre
le monstre et la malade. Elle, l'artiste.
http://www.ladepeche.fr/article/2009/01/20/527105-Parvis-Son-corps-en-voyage.html
Jongleur de l'impossible, Philippe Ménard fait virevolter la glace... et vaciller son identité sexuelle.
Enterrement de vie de glaçons
P.P.P. Jonglerie - Compagnie Non Nova
par Cathy Blisson, Télérama n° 3038 - 5 avril 2008
En coulisses, huit congélateurs. Et trois sur scène, qui se meuvent en un étrange ballet, sans que l'on arrive vraiment à distinguer ce qu'ils dissimulent. Au plafond, des dizaines de
sphères blanches et des gouttes d'eau qui commencent à tomber. Philippe Ménard n'est alors qu'une silhouette en manteau de fourrure, assis, de dos, sur un fauteuil de glace. Ni vraiment homme,
ni vraiment femme, et pas encore jongleur à cette heure. Jongleur, il le sera très vite, si tant est qu'on puisse l'être lorsqu'on fait virevolter des boules de glace, vouées par nature à
disparaître en flaques ou à se briser au sol.
Le jongleur, affirme Ménard, est celui qui essaie de rester en équilibre. Et lui a un équilibre doublement périlleux à trouver. Equilibre avec la matière gelée, indomptable, volatile et susceptible de le faire glisser en Position Parallèle au Plancher (P.P.P.) ; équilibre également entre les souvenirs de son passé de garçon et la femme qu'il a le sentiment d'abriter ou le désir d'habiter. Dans l'interstice, Philippe Ménard se trouve un chemin identitaire. Vacille sans flancher entre les boules de glace qui le menacent, ou les dribble, ou les fait valser à la façon d'une pasionaria-matador en fourreau rouge.
Aucun spectateur n'aimerait se trouver à sa place, corps androgyne plongé dans la froideur de la glace et robe tendue sur une paire de faux seins, qu'il
dégrafera comme pour en finir avec le coming-out transgenre. Mais l'empathie est là, dans les regards graves et époustouflés. Avant de s'intéresser aux objets « injonglables » - pneus,
paires de chaussures ou sacs plastique -, l'artiste se souvient d'avoir passé des années à jeter en l'air des balles de silicone qui lui revenaient à la figure. La glace, il la regarde
exploser. Visiblement, c'est un bel exutoire.
PPP : extrait du dernier spectacle de Philippe Ménard par
cienonnova (6min.)
www.cienonnova.com