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Différences (le blog de caphi consacré à la TRANSIDENTITE et l'INTERSEXUATION)

Revues de presse et de blogs par une journaliste transgenre qui traite de la TRANSIDENTITE (appelée improprement "transsexualité").Le blog "Différences" est devenu aujourd'hui une REFERENCE FRANCOPHONE sur la TRANSIDENTITE

[la lettre des différences] Être trans

sommaire
[les dits tôts de caphi] Être trans
[vécu] Paroles de trans
[étude] Transsexuels : à gauche toute !
[cinéma] Le festival de films gays & lesbiens de Paris : un festival de tous les genres ?
[théâtre] "Regarde maman, je danse" de Vanessa Van Durme et Frank Van Laeke
[musique] Sous la perruque, un génie
[livres] Mademoiselle Rosette, « fille imaginaire » / Homme ou femme ? - La confusion des sexes de Fernande Gontier 
[sur les blogs] "Queeriosités"

[les dits tôts de caphi] Être trans
Etre trans, ce n'est pas pour être une bête de foire en s'exhibant sous les sun-lights des caméras de télévisions voyeuristes ou dans de glauques cabarets.
 
Être trans, c'est vivre au grand jour l'identité que l'on ressent au fond de soi sans chercher à attirer les regards libidineux.
 
Être trans, c'est choisir de vivre en toute liberté sa vie personnelle, familiale et professionnelle. Comme tout un chacun.
 
Être trans, c'est "être". Tout simplement.
 
caphi

> LIRE aussi > Etre transsexuel/le (2 novembre 2007)
 
[vécu] Paroles de trans

À l'occasion de la Marche des transsexuels, ils sont quatre à prendre la parole pour expliquer leurs préoccupations.

La Marche des transidentités, qui s'est tenue en France et en Espagne les 6 et 7 octobre, est fédératrice : les luttes convergent contre la psychiatrisation des transidentités et la dépathologisation des intersexes. À cette occasion, ils sont quatre à prendre la parole pour expliquer leurs préoccupations dans cette lutte qui concerne leur vie quotidienne.
 
Contre la stigmatisation des transidentités : «Ce qui fait souffrir, ce n'est pas d'être trans mais plutôt d'être stigmatisé socialement en tant que trans. Nous sommes sans-papiers puisque notre apparence ne correspond pas au genre indiqué sur nos papiers officiels. Or, cela revient aux équipes médicales officielles de prendre des décisions sur nos situations sans connaître la réalité de notre quotidien. Pour suivre le parcours officiel et changer de genre, on doit prétendre "souffrir de dysphorie de genre". Il faut arrêter de nous victimiser à travers ce statut: c'est une stigmatisation que l'on refuse.» Ali, 26 ans, Lyon.
 
Sida et discriminations: «30% des femmes transsexuelles seraient séropositives, pourtant il n'y a ni dénombrement, ni étude épidémiologique sur les conséquences des rétroviraux qui obligent à réajuster le traitement hormonal. En plus de cette invisibilité, il y a des discriminations dans la communauté LGBT elle-même, avec des répercussions sur les prises de risques face au sida: les trans homos ne sont pas acceptés par les autres homos. Le propre d'une personne discriminée est de discriminer les autres... C'est tristement humain.» Hélène Hazera, Paris.
 
Discrimination légitimée par l'État: «La pire des discriminations, c'est celle qui est reconnue par l'État. On en a assez avec la dysphorie de genre qui est légitimée par l'État. Il faut traiter le mal par la racine: les discriminations sont à la base même des systèmes médicaux et politiques. Maintenant, c'est aux médecins et politiques de se positionner contre cette injustice. C'était la première manifestation des transidentités en Espagne, les gens commencent à comprendre que cette lutte ne touche pas uniquement les trans.» Miguel, 20 ans, Barcelone.
 
Un mouvement international: «Le mouvement contre la psychiatrisation des trans devient européen. C'est le moment de commencer le combat, car en Espagne, on se sent seul: depuis l'acceptation de la loi de mars 2007, les activistes trans se sont endormis. Certains sont satisfaits, nous non! Beaucoup d'Espagnols sont surpris d'apprendre que la transsexualité est encore considérée comme une maladie. Ils sont solidaires et nous soutiennent dans notre combat contre la dysphorie de genre.» Laia, 23 ans, Barcelone.
 
Pour accéder au dossier sur la Marche des Transidentités contre la psychiatrisation, cliquez ici. 
Photos Charlotte Bourgeois.

Charlotte Bourgeois, 2007-10-08, tetu.com
 
[étude] Transsexuels : à gauche toute !
Les transsexuels sont plus souvent gauchers que le reste de la population. A partir de cette observation, des chercheurs avancent (de manière hâtive ?) que le transsexualisme aurait pour origine un problème hormonal rencontré pendant la grossesse. Les spécialistes français préfèrent attendre d'autres preuves.
RuPaul, diva new-yorkaiseLes transsexuels sont plus souvent gauchers que le reste de la population. Cette constatation vient d'être faite par des chercheurs britanniques. Ils ont interrogé plus de 500 transsexuels hommes ou femmes sur l'utilisation de leurs mains dans différentes actions du quotidien, écrire, couper, lancer, afin de déterminer le nombre de droitiers exclusifs. 38 % des transsexuels hommes et 44 % des femmes transsexuelles sont exclusivement droitiers, contre 48 % des personnes n'ayant pas de troubles d'identité sexuelle. Cette concordance entre deux traits apparemment éloignés ne doit rien au hasard selon les Docteurs Richard Green et Robert Young qui ont mené cette étude. Le transsexualisme aussi bien que la préférence pour la main gauche auraient tous deux des origines communes. Pour cela il faut remonter jusqu'au moment de la vie in utero.
Gaucher dès le ventre de la mère
Dans le ventre de la future maman, des foetus de 15 semaines montrent déjà leur préférence pour une main plutôt que l'autre. Plusieurs théories essayent d'expliquer ce choix très précoce. Selon l'une d'entre elles, cette prédilection serait due à la quantité d'hormones mâles présente au cours du développement du foetus. Une forte quantité d'androgène orienterait le futur bébé à être gaucher.
De même, il existe une théorie soutenue par des expériences d'une origine hormonale in utero du transsexualisme. Des hormones sexuelles comme les androgènes façonneraient un cerveau d'un sexe différent de celui indiqué par les chromosomes.
Le lien entre gaucher et transsexuels devient alors plus clair mais pose une question. Pourquoi tous les gauchers ne sont-ils pas transsexuels ? Selon les psychiatres anglais, d'autres facteurs prénataux interviendraient pour moduler cette association. Par exemple, le système immunitaire de la mère.
Et les vrais jumeaux ?
Cette étude n'a pas convaincu le Dr Nadine Grafeille, psychiatre et sexologue à Bordeaux. "Sur les 300 transsexuels que j'ai suivis, par deux fois j'ai rencontré des jumeaux. Or un seul était transsexuel dans le couple gémellaire. Si c'était un problème hormonal in utero, les deux auraient du être concernés. Pourtant, je préfèrerai que cette étude britannique soit vraie, car cela déculpabiliserait la personne transsexuelle et sa famille en faisant de la transsexualité un trouble hormonal. Mais depuis 30 ans, des équipes cherchent une origine génétique ou hormonale sans succès".
D'ailleurs, des médecins français avaient déjà essayé de trouver un lien entre gaucher et transsexuels. Dans une étude portant sur plus de 800 patients. L'étude du Pr. Breton n'a pas été publié. "Il y avait autant de gaucher que parmi le reste de la population", se souvient le Dr Bernard Cordier, psychiatre à Suresnes.
Pour autant, le spécialiste ne réfute pas totalement une origine hormonale au transsexualisme. Au contraire. "Je suis convaincu qu'il existe un terrain biologique, une anomalie congénitale. L'identité sexuelle s'affirme très tôt dans l'enfance. Les troubles transsexuels aussi", lance le Dr Cordier. "Des études ont été réalisées sur des lapines enceintes. Des hormones du sexe opposé aux lapereaux attendus leur étaient injectées. Devenus adultes, ils se mettaient en position sexuelle inverse", explique le psychiatre.
Si la théorie britannique s'avérait exacte, elle ouvrirait la voie à des traitements in utero pour prévenir, voire guérir le foetus de son transsexualisme. Une application qui soulèverait alors bien des questions éthiques.
Marie-Gaëlle Le Perff, Doctissimo
Sources :
Green R, Young R. "Hand preference, sexual preference, and transsexualism"  Archives of sexual behavior 2001; 30(6): 565-74
Chiland.C, "Que penser du transsexualisme ? L'évolution psychiatrique", (1996) 61,1:45-53
Transsexualité Transsexualité : Trouble dans le genre
Voir aussi : Le transsexualisme en question
Aider les personnes victimes de problèmes d’identité de genre
Transsexualité : Paroles d’internautes
Vécu, prise en charge et discrimination des transsexuels
Contacts et associations utiles

[cinéma]
Le festival de films gays & lesbiens de Paris : un festival de tous les genres ?
Affiche-du-13e-Festival-Gay-et-Lesbien-de-Paris.jpgLe 13eme festival de films gays & lesbiens de Paris  (le terme Trans n'a toujours pas été ajouté à l'intitulé contrairement à ce qu'on m'avait annoncé il y a ... 2 ans !) se tiendra au cinéma Le Rex (Paris) du 13 au 20 novembre 2007 et présentera "des inédits, des avant-premières, des films primés dans des festivals internationaux, des surprises..."
 
Hermaphrodisme, intersexualité, intergenre seront toutefois abordés à travers de rares films qu’offre le cinéma dont « Le mystère Alexina » de René Feret (France, 1985)  (lire plus bas > 1).
 -
En ouverture, ce mardi 13 novembre, sera présenté « XXY » (lire plus bas > 2) l'oeuvre de l'argentin Lucía Puenzo, Grand prix de la semaine internationale de la critique au dernier Festival de Cannes 2007 (sortie en salle le 26 décembre 2007)
 
> 13eme festival de films gays & lesbiens de Paris au cinéma Le Rex (Paris) du 13 au 20 novembre 2007 - Infos : www.ffglp.net
 
(1) « Le mystère Alexina » de René Feret (France, 1985) : en 1860, une jeune femme âgée de vingt et un ans découvre qu'elle appartient au sexe opposé. Ce film est directement adapté des mémoires d'un hermaphrodite français né au XIXe siècle, Adélaïde-Herculine Bazin, dont les textes ont été retrouvés par le philosophe Michel Foucault.
 
(2) « XXY » de Lucía Puenzo avec Ines Efron (Argentine-Espagne-France, 2007 - 91 min.)
Alex, une adolescente de 15 ans porte un lourd secret. Peu après sa naissance, ses parents ont décidé de quitter Buenos Aires pour aller s’installer sur la côte uruguayenne, dans une maison perdue dans les dunes.
C’est là qu’un couple d’amis venus de Buenos Aires vient les rejoindre accompagné d’ Alvaro leur fils de 16 ans. Le père, un spécialiste en chirurgie esthétique, a accepté l’invitation en raison de l’intérêt médical qu’il porte à Alex. Une attirance inéluctable naît entre les deux ados qui va tous les obliger à affronter leurs peurs…
Des rumeurs se répandent dans la ville. On commence à dévisager Alex comme si c’était un monstre. La fascination qu’elle exerce risque désormais de devenir dangereuse.

> lire également mon blog "Le Paris de caphi" (actualisé chaque jour) et sa rubrique [les films en salles] Ma sélection du mois.
 
[théâtre] "Regarde maman, je danse" de Vanessa Van Durme et Frank Van Laeke 

Du 20 au 24 novembre aux Abbesses (Paris XVIIIe)
 
i d e n t i f i c a t i o n  d ’ u n e  f e m m e

Vanessa-Van-Durme-dans-Regarde-maman--je-danse.jpgUne table en formica et deux chaises, l’espace sobre et intime d’un coin de scène transformé en cuisine minimale… Le lieu idéalement simple choisi par le metteur en scène Frank Van Laecke pour faire entendre les confidences d’une femme extraordinaire, celles de la comédienne Vanessa Van Durme. C’est dans un déshabillé de soie rose et pieds nus qu’elle nous accueille depuis le plateau pour nous conter son histoire, celle du premier transsexuel de la ville de Gand. L’épopée d’une Madone réinventée et les multiples embûches d’un chemin de croix aboutissant à la libération d’une âme prisonnière qui savait ne pouvoir exister que dans un corps de femme.
 
Vanessa Van Durme
Lorsque naît Vanessa Van Durme, en 1948, elle est donc un garçon, qui entre au conservatoire de sa ville natale : Gand. Et fait ses débuts dans la compagnie NTGent. C’est en 1975 que, ayant mûri sa décision, elle devient femme dans une clinique marocaine. Elle erre longtemps. Puis elle écrit des comédies pour la télévision publique flamande, pour la radio belge. Et pour le théâtre, où, en 2000, à la demande d’Alain Platel, fondateur des Ballets C. de la B., elle revient. Dans Tous des Indiens (au Théâtre des Abbesses, en 2000) elle est une mère de famille nombreuse. Regarde maman, je danse est d’abord un livre, qu’elle retravaille pour la scène, qu’elle joue en anglais, français, espagnol dans toute l’Europe et aux États-Unis. Elle prépare un spectacle : Femme blanche (titre provisoire) qui se déroule au Maroc aux débuts de la colonisation. Elle veut continuer à se battre contre toutes les intolérances.
 
 
[musique] Sous la perruque, un génie
Click pour zoomer la photo
Antony Hegarty ou le triomphe d'un chanteur atypique. photo sp
 
C’est en découvrant Boy George qu’Antony, du groupe The Johnsons, a su qu’il allait être chanteur. Le disque «I’m a Bird Now» prouve la vitalité de la musique alternative en 2005
Stéphane Gobbo, L'Express (journal Suisse), 9/01/2006
Lorsqu'il chante, Antony Hegarty parle de lui. «Un jour je grandirai, je serai une belle femme; un jour je grandirai, je serai une belle jeune fille.» Se sentant une âme d'artiste dès son enfance, il ne peut envisager de se cacher derrière un masque même si sa musique est parfois théâtrale, réminiscence d'années passées au sein du collectif de cabaret Blacklips.
Sensuel trémolo
Auteur en janvier 2005 d'un album («I'm a Bird Now») qui se retrouve ces jours dans la plupart des rétrospectives annuelles des magazines spécialisés et de la presse généraliste d'Europe et des Etats-Unis, Antony prouve, à l'heure où l'industrie du disque se dit en crise et où marketing et rentabilité sont les seuls mots que les patrons des maisons de disques connaissent, que l'on peut encore en 2005 être un chanteur atypique et convaincre un large public. Car il est impossible de ne pas être profondément ému en découvrant les dix perles de «I'm a Bird Now», soutenues par le sensuel trémolo d'Antony et les magnifiques arrangements piano-cordes de son groupe, The Johnsons.
Une de ses premières claques musicales, Antony la reçoit alors qu'il a à peine 7 ans. Il découvre Kate Bush, s'enflamme pour cette voix hors normes et se dit qu'elle doit être sa mère ou sa soeur. Plus tard, il s'enthousiasmera dans le même registre pour Liz Frazer (Cocteau Twins), avant de découvrir que dans sa propre voix il y a également quelque chose de Nina Simone, un accent soul qu'il laisse aujourd'hui s'exprimer. Mais la révélation ultime, il l'a lorsqu'il découvre Boy George. Sur la pochette du premier album de Culture Club, l'Anglais joue sur son ambiguïté sexuelle. En découvrant cette androgynie affichée, Antony comprend enfin pourquoi il se sent différent.
«L'Anglais s'assume, même s'il semble un peu perdu et assure que son prochain album sera joyeux»
L'année 2005, du moins pour ceux qui croient encore en la viabilité d'une musique «alternative», aura donc été celle d'Antony, tant le New-Yorkais d'adoption a su faire l'unanimité. Alors qu'une pop-star comme Robbie Williams est quasiment inconnue aux Etats-Unis, Antony a en effet eu droit à des articles conséquents aussi bien dans le «Guardian» et le «Daily Telegraph» en Angleterre que dans le «New York Times» ou le «Washington Post» outre-Atlantique.
Lauréat en septembre du prestigieux Mercury Prize, il a joué dans des salles de référence comme le Queen Elizabeth Hall de Londres ou le Carnegie Hall de New York.
En 2003 déjà, Lou Reed l'avait adoubé en l'emmenant en tournée et en lui demandant d'interpréter seul au piano Candy Says, classique du Velvet Underground qu'il a joué cet été à Montreux en conclusion d'un concert aussi bref qu'intense. Et sur l'un des plus beaux titres de son second album, en plus d'une apparition de Reed, Antony s'offre un duo avec Boy George sur le bien nommé You Are my Sistertu es ma soeur»).
L'Anglais s'assume, est heureux même si sous sa perruque il semble parfois un peu perdu, et assure que son prochain album sera joyeux... Espérons simplement qu'il ne lui demandera pas à l'instar de «I'm a Bird Now» quatre ans de gestation. / SGO-La Liberté
Antony & the Johnsons, «I’m a Bird Now», Secretly Canadian, distr. Irascible.

[livres] Mademoiselle Rosette, « fille imaginaire »
Article de Clarisse Fabre publié dans Le Monde du 13 Juillet 2007

Extrait : Pierre-Aymond Dumoret, né en 1678, a toujours été persuadé d'être une fille. Il aimait porter des habits de femme et se faisait appeler « mademoiselle Rosette ». Rien ne l'a fait changer d'avis, ni les dures remontrances de son père, avocat au Parlement de Toulouse, ni les moqueries des enfants, ni la perte, à plusieurs reprises, de son emploi de précepteur. Il s'était fabriqué de faux seins en tissu, s'infligeait des baleines en fer pour affiner sa taille et s'était « cruellement enchaîné » le sexe, au point de défaillir peu avant sa mort, en 1725. L'histoire de Mademoiselle Rosette serait peut-être restée inconnue si sa succession n'avait été l'objet d'une grande querelle juridique. 
 
Source : LE MONDE DES LIVRES (article complet disponible seulement par abonnement)
 
 
Dix portraits d’hommes/femmes
Homme ou femme ? - La confusion des sexes de Fernande Gontier
Depuis plusieurs années, les titres portant sur la question des sexualités et des genres se sont multipliés. Les ouvrages d’auteurs comme Judith Butler ou Marcela Iacub, par exemple, ont rencontré un intérêt certain. Homosexualité, bisexualité, transgenre, etc. sont des thèmes qui ont très largement débordé les cercles de réflexion de spécialistes pour participer et animer le débat public.

Précisons tout de suite que l’ouvrage de Fernande Gontier n’a aucune ambition théorique. Tout juste réaffirme-t-elle que le genre n’est pas une catégorie qui se déduit logiquement et automatiquement de la biologie, du sexe, mais qu'il s'agit d'une catégorie sociale. A l’évidence, il n’y a rien dans cette affirmation qui puisse bouleverser les débats les plus pointus sur ces questions. L’intention de l’auteur est autre. Elle entend présenter simplement quelque dix portraits de personnages ayant à un moment de leur vie «choisi» leur sexe. Les cas évoqués semblent servir et illustrer une double affirmation.

D’une part, Fernande Gontier entend montrer que les exemples de travestissements ne sont pas l’apanage de notre époque et qu’ils peuvent être anciens. Ainsi du Chevalier d’Eon : Eduqué comme un garçon, apparemment pour des questions d’héritage, fin bretteur, Charles-Genviève-Louise-Auguste-Andrée-Thimothée d’Eon de Beaumont ira jusqu’à remplir des missions diplomatiques secrètes pour Louis XV, jusqu’au moment où lui sera intimé l’ordre de «quitter l’habit de dragon qu’elle a coutume de porter et de reprendre les habits de son sexe avec défense de paraître dans le royaume sous d’autres habillements que ceux convenables aux femmes.» De même, Timoléon de Choisy, qui fut abbé au XVIIe siècle, prit l’habitude de paraître en femme sans se départir d’un goût prononcé pour le sexe opposé, souvent chez les jeunes.

D’autre part, l’auteur entend insister sur le fait que les motivations de ces personnages peuvent être très diverses. La provocation ou le «goût dépravé» n’expliquent pas tout. La simple curiosité ou la quête de soi sont des motifs tout aussi puissants. Ainsi, en 1726, Petit de Montempuys se travestit pour satisfaire sa curiosité des spectacles de théâtre que lui interdisait son statut de chanoine de Notre-Dame. Remarqué par un tumultueux public, son étrange et unique initiative tourna à la catastrophe. Le cas de Dorothy Lucille Tipton est très différent. Née en 1914 aux Etats-Unis, elle décide en 1934 de se travestir pour être plus facilement engagée comme pianiste de jazz. C’est donc sous le nom de Billy Tipton qu’elle fera toute sa carrière, mais aussi sa vie puisque à sa mort ses enfants (adoptés) apprennent avec stupéfaction que leur père était une femme. Enfin, l’auteur évoque le cas de Albert/Kate Bornstein qui fut un des premiers hommes à se faire opérer pour devenir femme, ce qu’il était persuadé être.

L’ouvrage de Fernande Gontier est donc très factuel, constitué de courts récits de vie sans développements théoriques particuliers. Ce qui fait le cœur de son propos est d’affirmer que pour extra-ordinaires que soient ces exemples, ils témoignent du fait que la liberté sexuelle n’est pas seulement de jouir librement mais aussi d’explorer les limites entre les sexes, qui ne sont jamais si rigides que ce que les rôles sociaux imposent. Pour l’auteur en effet, ce qui réunit les personnages évoqués est qu’ils ont tous, et chacun à sa manière, exploré un espace au sein duquel la sexualité n’est pas nécessairement le motif du jeu des genres. Elle n’affirme pas l’existence d’un entre-deux ou d’un point d’équilibre entre les sexes, mais bien plutôt la possibilité d’usages mêlant féminité et masculinité.


Guy Dreux (mis en ligne le 02/09/2006 sur parutions.com)
 
Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.
 
Fernande Gontier   Homme ou femme ? - La confusion des sexes
Perrin 2006 /  17.50 € - 114.63 ffr. / 218 pages
ISBN : 2-262-02491-X
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm

A lire également sur parutions.com:

[sur les blogs]
"Queeriosités"
Auteur peu étudié dont l'oeuvre est pourtant particulièrement riche, Marcel Jouhandeau est l'objet de « The Anus of Tiresias: Sodomy, Alchemy, Metamorphosis » d'Ed Madden. Faisant partie des Ecrits secrets de Jouhandeau publiés anonymement en 1954, Tirésias dévoile sans fard mais avec une écriture poétique la découverte tardive et fascinée que fait le narrateur du rôle de pénétré auprès de robustes prostitués. La figure mythologique de Tirésias, souvent associée au transsexualisme, vient soutenir l'identification du narrateur avec une femme depuis ce nouveau statut, qui le met du côté du plaisir féminin et non plus seulement du côté de la connaissance masculine. La transformation de l'homme en femme s'associe aux métamorphoses des amants en animaux, créatures mythologiques ou dieux. Ces métamorphoses soulignent à la fois le côté mécanique et bestial de la sexualité et son côté mystique, permettant de sortir de soi et de se transformer lors de l'« alchimie du Plaisir ». Tout en rappelant l'importance et la spécificité de l'érotisme homosexuel11 (rappelant Le Désir homosexuel de Guy Hocquenghem), l'article d'Ed Madden éclaire brillamment une œuvre unique et singulière dans son approche littéraire d'une expérience considérée comme transgressive et ésotérique.
11 Cf. Steven G. Underwood, Gay Men and Anal Eroticism: Tops, Bottoms and Versatiles, New York, Harrington Park Press, 2003.
Samuel Minne , "Queeriosités", Acta Fabula, Octobre 2007 (volume 8, numéro 5), URL : http://www.fabula.org/revue/document3567.php
 
 
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